Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, Marian Pankowski décide d’apprendre « l’oubli des fils barbelés ». L’expérience concentrationnaire, loin de le figer, lui permet au contraire des envolées d’une beauté sublime dans les arcanes du quotidien qu’une généreuse humanité et une connaissance de l’âme humaine illuminent d’une profondeur enrichie par la douleur, en témoigne La Liberté basanée.
« […] Quand, pour me relier au monde de ce qu’on appelait la vie, il n’y avait que les lettres et les colis de ma mère. La rigueur de l’œi1 du 55 se voilait de brume lorsque, contrôlant le paquet de vivres, il extrayait des biscuits militaires une branchette de genévrier des Carpates ou une plume de geai, des signes trop menus pour qu’il se ridiculise à les confisquer… Et moi, je retournais au bloc à rayures, dans le bruit de la résine, dans le cri des oiseaux libres, moi, enfant de chœur d’une liturgie célébrée là-bas, en Pologne, à mon intention, par ma mère en alliance avec le ciel et la terre ».
D’une enfance à la liberté perdue, l’auteur avec La Liberté basanée fait l’éloge dans un style individuel et inégalable en cinq petits traités, dédiés à sa mère, qui ne sont pas sans rappeler les poèmes en prose de Baudelaire. Toutefois, les sujets sont bien ceux de Pankowski. Écrit comme un antidote à l’horreur des camps, La Liberté basanée développe en filigrane d’or « la maternelle leçon d’amour de la terre natale » que le poète récite à ravir avec l’art de voler ou la maraude des fruits ou encore l’habileté à faire du feu pour se prouver, à travers les joies et les facéties de son enfance villageoise, que le bonheur reste possible après la survivance à l’horreur.
Marian Pankowski, La Liberté basanée, Éditions du Rouergue, traduit du polonais par Elisabeth van Wilder, 64 pages, 4,75 €