décembre 2, 2015 By mlc

Jusqu’où, un thriller de Cédric Péron

Jusqu'oùCette semaine, j’entame ma deuxième quinzaine alitée. Cela me donne le temps de lire et d’apprécier (ou non) de nouveaux auteurs. Pendant le week-end, j’ai lu Jusqu’où de Cédric Péron

Une intrigue menée avec maestria où la gendarmerie et le gouvernement en prennent pour leur grade, mis à mal pour leur incompétence proverbiale. Et oui, les apparences sont parfois trompeuses. Découvrir la vérité exige souvent de chercher la petite bête au lieu de se fier à ce que l’on voudrait nous faire croire.

Un premier roman très prometteur, à lire sans modération d’une traite. Cela passe trop vite. On en redemande.

Cédric Péron, Jusuq’où, sur Amazon

Classé sous :Critique littéraire Balisé avec :Cédric Péron, fb, thriller

novembre 6, 2015 By mlc

Justice sommaire de Jack Higgins

HigginsLe terreau des romans d’espionnage, la guerre froide entre l’Est et l’Ouest semble depuis longtemps terminée. Les amateurs se souviennent certainement du grand classique de Tom Clancy Le Cardinal du Kremlin. Les bons s’y battent contre les méchants dans une guerre des mondes où les arcanes de la connaissance des armes technologiques peuvent changer l’équilibre des forces mondiales. Une course effrénée pour la construction d’une arme à laser. CIA versus KGB. Tous les coups sont permis pour s’emparer des secrets de l’autre. Dans les plus hautes sphères du pouvoir, les taupes règnent.

Justice sommaire de Jack Higgins (pseudonyme de Harry Patterson) reprend à son compte la bataille des géants dans une intrigue légèrement parodique du genre. Les méchants ce sont les Russes, of course. Avec Poutine, bille en tête, les services d’espionnage russe, le GRU contre l’Ouest représenté par les services britanniques et le président des Etats-Unis.
Le « grand jeu » débute au Kosovo dans le village de Banu, « quelques maisons en bois de part et d’autre de la grand-rue, une poignée de bâtiments, un peu plus loin, qui ressemblaient à des corps de ferme, et une petite rivière enjambée par un pont en bois posé sur de gros blocs de granite. Il y avait aussi une construction en bois surmontée du croissant musulman, manifestement la mosquée, et enfin une auberge devant laquelle était garé un imposant blindé léger. » Blake le représentant des USA et Miller celui de la Grande-Bretagne y vont voir de plus près.

Des soldats russes ont traversé la frontière, en dépit des accords passés avec les forces internationales et se restaurent à l’auberge, ce qui en soi ne serait pas si dramatique s’ils n’avaient, de toute évidence, l’intention de commettre des exactions sauvages : « L’auberge avait toutes les caractéristiques des établissements traditionnels de la région : plafond à poutres apparentes, parquet de bois brut, quelques tables çà et là et un long comptoir derrière lequel bouteilles et verres s’alignaient sur des étagères. Une quinzaine d’hommes étaient accroupis par terre le long du comptoir, les mains derrière la nuque, tenus en joue par deux soldats russes. Un sergent se tenait derrière le comptoir ; le pistolet-mitrailleur à portée de main, il buvait au goulot d’une bouteille de vodka. Deux autres soldats étaient assis sur un banc de l’autre côté de la salle, deux femmes agenouillées devant eux. L’une d’elles sanglotait. » Au pays des barbouzes, on tire d’abord et on interroge après. Blake et Miller ne dérogent pas à cette règle d’or et éliminent les Russes, sans états d’âme, aucun.
Théoriquement, les Russes n’auraient pas dû se trouver de ce côté-ci de la frontière et leur gouvernement ne peut porter plainte sans trahir ce fait qu’ils veulent garder secret. Toutefois, les conséquences seront d’envergure car la mort engendre la mort et la vengeance. Les Anglais font appel à Sean Dillon pour résoudre cette affaire où viennent se mêler, terrorisme, trafic d’armes et assassinat. Afin que le bourgeois dorme en paix, des hommes assument les sales besognes pour en empêcher d’autres de détruire la planète : « “L’objectif du terrorisme, c’est de terroriser.” Il n’y a qu’avec le terrorisme que les petits pays peuvent s’attaquer à des pays plus grands qu’eux avec le moindre espoir de réussite. – C’est Lénine qui a dit ça le premier. Et le système a été mis en pratique, avec des conséquences douloureuses pour l’ensemble du monde, pendant de longues années. D’ailleurs ce n’est pas terminé. » Dillon, l’Irlandais, en sait quelque chose.

Héros récurrent de Jack Higgins et un peu un amalgame des héros précédents de ses romans, du moins ceux pour qui la justice ne doit pas attendre les verdicts rendus dans les cours par juges et avocats, poète et philosophe, Dillon s’interroge parfois sur l’utilité des tueries. Ainsi en est-il dans Justice sommaire au moment de passer à l’action définitive :
« Dillon avait passé Warrenpoint, scène de l’une des plus grandes défaite de l’armée britannique face à l’IRA dans toute l’histoire des Troubles. Il franchit la frontière et entra dans le comté de Louth, en République d’Irlande, au nord de Dundalk, sans le moindre problème – et sans aucun contrôle policier. Il s’arrêta quelques instants au bord de la route et repensa à cette frontière vingt ans plus tôt : la police, les soldats, les baraquements… Tout avait disparu. La frontière n’était plus qu’une ligne symbolique, marquée par un panneau au bord de la route. À quoi bon ce conflit, ces tensions, ces combats d’autrefois ? se demanda-t-il. Assis là, dans la Ford Anglia, il fut soudain la proie d’un profond sentiment de détresse. »

Tout au long du livre, le camp des Anglais triomphe en essuyant de minimes revers dans l’ensemble. Pas étonnant, les Russes sont portraiturés en idiots. Avec des noms étrangement synonymes à ceux de l’actualité récente et moins récente, ils ne connaissent même pas les leurs :
« Le Falcon se posa en douceur. Les passagers étaient prêts à débarquer lorsqu’il s’immobilisa près du petit bâtiment de l’aérodrome. Le copilote, Elstine, ouvrit la porte et baissa les marches. Volkov descendit sur le tarmac, suivi de Grigorin et Makeev qui portait les bagages. Un homme vint à leur rencontre au pas de charge avec un parapluie. La porte du Falcon se referma ; l’avion se remit aussitôt à rouler sur la piste.
– Qui êtes-vous ? demanda Volkov en anglais.
– Igor Pouchkine, Monsieur Petrovski, répondit l’homme d’un air hésitant, puis il ajouta en russe : Mais je sais qui vous êtes. Je suis le responsable du contrôle aérien de la base. Je vous ai déjà vu à Moscou, au complexe Belov.
– Un Russe, dit Volkov en souriant. J’ignorais que nous avions des Russes ici. Très négligent de ma part. Allons à l’intérieur. » Une négligence – et quelques autres – qui lui coûtera la vie.

Malgré des caractères peu dessinés et des personnages superficiels, les cinq cent vingt pages se lisent facilement et Justice sommaire reste un bon roman d’espionnage où l’auteur se joue des clichés du genre avec maestria. Jack Higgins garde la main à la plume et sait toujours entrainer son lecteur dans un parcours échevelé et rocambolesque prodigue en rebondissements.

Murielle Lucie Clément

Jack Higgins, Justice sommaire, Albin Michel, 2010, traduit de l’anglais par Pierre Reignier, 521 pages, 22,50 €

Classé sous :Critique littéraire Balisé avec :fb, Jack Higgins, Justice sommaire, Les Balkans, Roman d'espionnage, Rough justice, Russes

octobre 11, 2015 By mlc

Les Neiges bleues, roman de Piotr Bednarski

les neiges bleuesLes brefs chapitres de Piotr Bednarski dans Les Neiges bleues s’apparentent à de petites nouvelles ciselées à merveille dans la matière brute des souvenirs avec la dureté de la vie sous Staline en ligne conductrice :

« Staline était mortifère, il répandait la mort. Il détruisait la vie, et moi, j’avais une telle envie de vivre ! En dépit de ma misère, en dépit de la faim. A tout prix voir le ciel bleu, les oiseaux insouciants, l’herbe éternelle. Je me précipitais toujours dans les maisons où un enfant venait de naître. Regarder un nouveau-né m’était une grande émotion, voire une révélation. On me laissait entrer partout, toucher le petit de l’homme, on disait que j’avais un bon toucher, un bon regard. J’accourais voir les nouveau-nés par crainte de Staline. Je quêtais auprès d’eux le courage et la consolation, car la vue de ces êtres vulnérables et fragiles m’apportait un tel sentiment de sécurité que parfois je cessais de croire à la mort ».

Ici parle Petia, dit Champagnski, déporté polonais qui voulait « Être un aviateur plus tard, et dans l’immédiat posséder un tricot de marin », trésor suprême pour les dépossédés résistant au froid, à la faim et aux humiliations constantes de leurs bourreaux. Un rêve peuplant son désir de futur dans l’univers du système répressif des années 40, dans l’antichambre du Goulag « cet enfer glacé où les hommes se muaient en numéros si difficiles à retenir et si faciles à rayer ». Seule Beauté, sa mère, le réconforte des épreuves et le renforce à préserver l’allégresse naturelle de l’enfance tout en lui incluant les valeurs humaines nécessaires à forger l’être à l’aide d’aphorismes venus de la nuit des âges. « L’amour pousse les hommes à faire le bien comme le mal. Les bons accomplissent des exploits étonnants, les méchants font simplement le mal ». « Or un homme bon ici bas c’est plutôt un raté, une sorte de merle blanc » sait-il du haut de ses huit ans. « Beauté avait l’habitude de dire : “Tout va mal, mais nous sommes en vie ; et si ça empire encore nous survivrons quand même ” ». Cela peut-il aller vraiment encore plus mal s’interroge en vain le lecteur confronté à une vie sans merci où les crachats expectorés retombent au sol avec un tintement de verre brisé.

« […] la température était tombée en dessous de moins quarante degrés. La neige se fit bleue et la limite entre terre et ciel s’estompa. Le soleil, dépouillé de sa splendeur et privé de son éclat, végétait désormais dans une misère prolétarienne. Le froid vif buvait toute sa chaude et vivifiante liqueur – désormais seuls le feu de bois, l’amour et trois cents grammes quotidiens d’un pain mêlé de cellulose et d’arêtes de poisson devaient nous défendre contre la mort ».

D’une beauté sans fioritures Les Neiges bleues est un récit qui sonne juste. Porté par une écriture dont l’authenticité gifle le lecteur et lui griffe le cœur, Piotr Bednarki retrace les moments déchirants de son enfance d’exilé assigné à résidence dans une petite ville de Sibérie sous la férule des services soviétiques, dangereux pour tout Polonais aimant son pays et hostile à l’occupant russe dans les années suivant le pacte germano-soviétique. Bednarski le fait avec une légèreté irradiant la lumière du regard de l’enfant qui s’adonne à la poésie depuis qu’il a lu Le Démon de Lermontov : «  la poésie était devenue ma seule chance de perdurer ». Un roman autobiographique bouleversant.

Piotr Bednarski, Les Neiges bleues, Paris, Éditions Autrement. Traduit du polonais 
par Jacques Burko 13 €

Classé sous :Critique littéraire Balisé avec :Lermontov; #fb, Roman, Staline

septembre 12, 2015 By mlc

Nina Berberova, Chroniques de Billancourt

Berberova Billancourt1928. Nina Berberova, arrivée de fraîche date à Paris rencontre le peuple russe de l’immigration. Renault et les usines de carrosserie offrent, sinon le gîte et le couvert, un travail et un lieu de rassemblement à tous des déboussolés, arrachés à leur patrie qui disparaît dans la Révolution et le bolchevisme. L’empire soviétique est né; l’empire tsariste a sombré dans le sang et les désillusions. A Billancourt – loin d’être un havre de paix – il y a moyen de reconstruire une vie et de s’établir dans un quotidien dont le passé fait preuve de présence. Nina Berberova, raconte les plaisirs, les déboires, les liens, les pleurs et les peurs de ceux qu’on nomme souvent « le petit peuple » où dominent, avant tout, les divergences en dépit de l’amalgame créé par Monsieur Renault. Grâce à ces employés – qui ont peu d’autres choix –, qu’il va chercher à leur sortie d’URSS, il augmentera de façon colossale sa fortune jusqu’au démantèlement des usines. Chroniques de Billancourt, comme son nom l’indique, consiste en courts récits, des chroniques, et esquisse la vie, telle qu’elle fut vécue, par les déracinés de l’Histoire. Ainsi, « Le Manuscrit de Billancourt » dont personne ne savait l’existence, et que la mort de l’auteur révéla; « Kolka et Liosenka », deux enfants d’un premier et second mariage qui visitent leur père sans avoir connaissance l’un de l’autre; « Ici on pleure » qui décrit la vie difficile dans cette banlieue parisienne. Nina Berberova, trace ici des portraits comiques, tragiques, loufoques et plein de justesse, d’une écriture économique avec une acuité incisive. Des chroniques à lire en savourant leur drôlerie parfois sans oublier que les moments relatés ont existé.

Nina Berberova, Chroniques de Billancourt, Actes Sud, 1999, 257 pages, 7,70 €

 

 

 

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