Un pensionnat pour demoiselles de la bourgeoisie polonaise où le traitement infligé aux internes des familles aisées ne laisse rien présager de bon pour les jeunes filles. Dans ce vase clos à Miedzeska au cœur du pays, être riche signifie avoir son séjour payé à l’avance sur plusieurs années. Qui s’acquitte du paiement au mois fait partie des pauvres, nourri des restes de la table des plus fortunées, logé dans un bâtiment non chauffé et se couche dans un dortoir collectif.
Dans ce pensionnat, la directrice, une femme rébarbative et peu liante, exige une discipline de fer de toutes les pensionnaires. Aucune exception n’est tolérée sous peine de se voir infliger des sanctions corporelles dignes des Thénardier. A la moindre incartade, les punitions humiliantes tombent comme des couperets.
Ewa possède un don qui est une malédiction sans rémission. Elle ne doit jamais contempler son reflet dans un miroir. Elle doit, seule, subir les conséquences d’un passé lourd à porter, car elle ne peut se confier à qui que ce soit. Nous n’en dévoilerons pas plus pour laisser le plaisir de la découverte au lecteur.
Matthieu Biasotto a magistralement retransmis l’ambiance glauque, étouffante dans laquelle Ewa doit vivre, totalement privée de liberté. Des personnages crédibles et bien dessinés peuplent sa fiction. La narration se déroule en toute logique selon les poncifs du genre avec quelques retournements de situations qu’Agatha Christie n’aurait pas désavoués.
Son écriture se prête amplement à décrire les scènes de tortures; celles d’amour le sont avec beaucoup plus de pudeur, à tel point qu’elles semblent tout droit sorties de l’époque évoquée ou d’une fiction jeunesse. Néanmoins ce manque d’épanchement dans la douceur est rafraîchissant et amplifie l’horreur des sévices subis par l’héroïne à plusieurs moments.
L’un dans l’autre, un grand roman noir qui tient ses promesses.
Matthieu Biasotto, Ewa, Amazon