Avant de se référer au contenu de l’ouvrage, on peut se concentrer sur le contenant et, principalement, sur la quatrième de couverture : le choix de l’encre et de la police est fort malheureux et rend le texte absolument illisible. Quant au contenu, on peut noter les remarques suivantes.
Premièrement, selon les exemples donnés par l’auteur, il s’agirait beaucoup plus de « romances sentimentales » que de « romances érotiques » comme stipulé dans le titre puisque toute référence au sexe ou à l’érotisme est bannie de la narration par l’éditeur. L’auteur doit se plier à une discipline de fer et subir des ratures et suppressions sans fin dans ses textes.
Deuxièmement, et peut-être est-ce la remarque la plus pertinente en l’occurrence, pourquoi l’auteur choisit-elle de conspuer le genre après en avoir largement profité pécuniairement ? Un changement de trop dans son roman dicté par l’éditeur ? Un ras-le-bol généralisé d’écrire des histoires insipides ? Un soulagement financier inopiné qui apporte la libération de se contraindre à une écriture alimentaire ? Un peu de tout cela probablement et encore plus.
Troisièmement, le lecteur peut s’interroger sur la vision de l’auteur à propos de la gent féminine. Si l’herbe est toujours plus verte de l’autre côté, on pourrait penser que pour les lectrices (le lectorat du genre est majoritairement féminin) qui ne connaissent ni les voyages en jet privé, ni les suites impériales dans des cinq étoiles ni les îles paradisiaques du Pacifique, n’est-il pas justement plaisant de s’y imaginer ? Et cela sans y être obligées. C’est tout simplement divin de se rêver un moment loin de tous les tracas quotidiens. Dans les bras d’un milliardaire ? Pourquoi pas ? C’est idéal comme catharsis, non ? Les lectrices sont loin d’être stupides. Elles savent faire la différence entre un fantasme et la réalité. Par ailleurs, que le genre soit cloisonné par des poncifs rigides, n’est-ce pas la meilleure façon de retrouver romance après romance le même patron satisfaisant ce fantasme ?
Oui, il y a un lectorat avide de connaissance et d’aventure littéraire dans ses lectures, mais ce lectorat-là se satisfait avec d’autres genres. Oui, il y a des gens qui veulent changer les rôles femme/homme, mais pas tous.
L’auteur fait l’impasse sur les lectrices faisant un choix délibéré, car pourquoi ne le serait-il pas ? On lit ce genre de romance pour s’évader, mais un peu comme on choisit au restaurant un mets connu pour éviter les mauvaises surprises. La pléthore de maisons d’éditions et d’auteurs garantit une énorme diversité dans les détails tout en respectant les éléments de base.
Chaque restaurant propose sa recette et sa spécialité. Qu’en est-il des McDo direz-vous ? Eh bien oui, c’est là toute la différence ! Quel que soit le McDo choisit, la nourriture aura toujours exactement le même goût ! En revanche, dans tous les restaurants du coin, on devra y aller au moins une fois pour les connaître. Ensuite, y retourner pour retrouver le même goût s’il a plu. Est-ce si différent avec la lecture ? Peu de gens changent à chaque fois de restaurant comme peu de gens changent de genre littéraire. Les goûts éclectiques sont beaucoup moins répandus que les habitudes. L’homme est un animal routinier. De même la lectrice.
Préférer lire le roman avec une narratrice « qui se bourre la gueule et roule des pelles à des inconnus » dans le premier bar venu après une déception amoureuse, c’est préférer lire des romans noirs. Ils existent. Mais, c’est un autre genre.
Enfin, une dernière petite chose. Un détail pas bien grand mais tout de même. Stephen King est très certainement un maître dans son genre, un auteur à succès c’est certain, mais comme référence littéraire en conseil d’écriture on peut favoriser Rilke ou Antoine Albalat.
Camille Emanuelle, Lettre à celle qui lit mes romances érotiques et qui devrait arrêter tout de suite, Amazon