Willard Huntington Wright (1888-1939) a publié une douzaine de romans policiers sous le pseudonyme de S.S. Van Sine et sous son nom ainsi que des nouvelles en recueils et isolées sous son nom et sous le pseudonyme de Albert Otis qui ont pour la plupart donné naissance à des courts métrages pour une série des aventures de courts métrages de la série Dr Crabtree et Inspecteur Carr. Par ailleurs, Willard Huntington Wright est l’auteur de nombreux poèmes signés de son nom et de plusieurs ouvrages scientifiques.
Les règles suivantes, considérées comme les 20 commandements de l’auteur de roman policier, ont été publiées par Willard Huntington Wright sous le pseudonyme S.S. Van Dine en septembre 1928 dans American Magazine.
- Le lecteur et le détective doivent avoir des chances égales de résoudre le problème. Tous les indices doivent être pleinement énoncés et décrits en détail.
- L’auteur n’a pas le droit d’employer vis-à-vis du lecteur des « trucs » et des ruses, autres que ceux que le coupable emploie lui-même vis-à-vis détective.
- Le véritable roman policier doit être exempt de toute intrigue amoureuse. […]
- Le coupable ne doit jamais être découvert sous les traits du détective lui-même ni d’un membre quelconque de la police. Ce serait de la tricherie […]
- Le coupable doit être déterminé par une suite de déductions logiques et non pas par hasard, par accident, ou par confession spontanée.
- Dans tout roman policier il faut, par définition, un policier. Or, ce policier doit faire son travail et il doit le faire bien. Sa tâche consiste à réunir les indices qui nous mèneront à l’individu qui a fait le mauvais coup dans le premier chapitre. Si le détective n’arrive pas à une conclusion satisfaisante par l’analyse des indices qu’il a réunis, il n’a pas résolu la question.
- Un roman policier sans cadavre, cela n’existe pas […]. Faire lire trois cents pages sans même offrir un meurtre serait se montrer trop exigeant vis-à-vis d’un lecteur de roman policier. La dépense d’énergie du lecteur doit être récompensée.
- Le problème policier doit être résolu à l’aide de moyens strictement réalistes. Apprendre la vérité par le spiritisme, la clairvoyance ou les boules de cristal est strictement interdit. Un lecteur peut rivaliser avec un détective qui recourt aux méthodes rationnelles. S’il doit rivaliser avec les esprits et la métaphysique, il a perdu d’avance.
- Il ne doit y avoir, dans un roman policier digne de ce nom, qu’un véritable détective. Réunir les talents de trois ou quatre policiers pour la chasse au bandit serait non seulement disperser l’intérêt et troubler la clarté du raisonnement, mais encore prendre un avantage déloyal sur le lecteur.
- Le coupable doit toujours être une personne qui ait joué un rôle plus ou moins important dans l’histoire, c’est-à-dire quelqu’un que le lecteur connaisse et qui l’intéresse. Charger du crime, au dernier chapitre, un personnage qu’il vient d’introduire ou qui a joué dans l’intrigue un rôle tout a fait insignifiant, serait, de la part de l’auteur, avouer son incapacité de se mesurer avec le lecteur.
- L’auteur ne doit jamais choisir le criminel parmi le personnel domestique tel que valets, laquais, croupiers, cuisiniers ou autres. Ce serait une solution trop facile. […]Le coupable doit être quelqu’un qui en vaille la peine.
- Il ne doit y avoir, dans un roman policier, qu’un seul coupable, sans égard au nombre d’assassinats commis.[…]
- Les sociétés secrètes, les mafia, […], n’ont pas de place dans le roman policier. L’auteur qui y touche tombe dans le domaine du roman d’aventures ou du roman d’espionnage.
- La manière dont est commis le crime et les moyens qui doivent mener à la découverte du coupable doivent être rationnels et scientifiques. La pseudoscience, avec ses appareils purement imaginaires, n’a pas de place dans le vrai roman policier.
- Le fin mot de l’énigme doit être apparent tout au long du roman, à condition, bien sûr, que le lecteur soit assez perspicace pour le saisir. Je veux dire par là que, si le lecteur relisait le livre une fois le mystère dévoilé, il verrait que, dans un sens, la solution sautait aux yeux dès le début, que tous les indices permettaient de conclure à l’identité du coupable et que, s’il avait été aussi fin que le détective lui-même, il aurait pu percer le secret sans lire jusqu’au dernier chapitre. Il va sans dire que cela arrive effectivement très souvent et je vais jusqu’à affirmer qu’il est impossible de garder secrète jusqu’au bout et devant tous les lecteurs la solution d’un roman policier bien et loyalement construit. Il y aura toujours un certain nombre de lecteurs qui se montreront tout aussi sagaces que l’écrivain […]. C’est là, précisément, que réside la valeur du jeu […].
- Il ne doit pas y avoir, dans le roman policier, de longs passages descriptifs pas plus que d’analyses subtiles ou de préoccupations atmosphérique. Cela ne ferait qu’encombrer lorsqu’il s’agit d’exposer clairement un crime et de chercher le coupable. De tels passages retardent l’action et dispersent l’attention, détournant le lecteur du but principal qui consiste à poser un problème, à l’analyser et à lui trouver une solution satisfaisante. […]
- L’écrivain doit s’abstenir de choisir son coupable parmi les professionnels du crime. Les méfaits des bandits relèvent du domaine de la police et non pas de celui des auteurs et des détectives amateurs. De tels forfaits composent la grisaille routinière des commissariats, tandis qu’un crime commis par une vieille femme connue pour sa grande charité est réellement fascinant.
- Ce qui a été présenté comme un crime ne peut pas, à la fin du roman, se révéler comme un accident ou un suicide. Imaginer une enquête longue et compliquée pour la terminer par une semblable déconvenue serait jouer au lecteur un tour impardonnable.
- Le motif du crime doit toujours être strictement personnel, […]
- Enfin, je voudrais énumérer quelques trucs auxquels n’aura recours aucun auteur qui se respecte parce que déjà trop utilisés, et désormais familiers à tout amateur de littérature policière :
a) la découverte du coupable par comparaison entre un bout de cigarette trouvé sur les lieux du crime aux cigarettes que fume l’un des suspects ;
b) la séance de spiritisme truquée au cours de laquelle le criminel, saisi de terreur, se dénonce ;
c) les fausses empreintes digitales ;
d) l’alibi établi à l’aide d’un mannequin ;
e) le chien qui n’aboie pas, indiquant ainsi que l’intrus est un familier de l’endroit ;
f) le coupable frère jumeau du suspect ou lui ressemblant à s’y méprendre ;
g) la seringue hypodermique et le sérum de vérité ;
h) le meurtre commis dans une pièce fermée en présence des policiers ;
i) l’emploi d’associations de mots pour découvrir le coupable ;
j) le déchiffrement d’un cryptogramme par le détective.