Dans une écriture mâtinée d’Alphonse Boudard et de Frédéric Dard, l’auteur fouille la psychologie de personnages dont la véracité explose en des dialogues où transparaît à certains moments une brume de réminiscence de Marcel Audiard. Des dialogues cohérents avec la consistance des personnages. Le docteur s’exprime différemment du narrateur mal aimé et autodidacte ; le copain SDF fort en gueule autrement que le papparazzo et la vedette de télévision, Mélody, d’une autre manière que la fiancée, Delphine. Coup de maître de l’auteur que de les emboucher d’un vocabulaire, inhérent à chacun, au tempo approprié où le mentir vrai devient vérité.
Frédéric Soulier signe une fiction saillie de la vie même où la télé-réalité se terre sur les berges du fleuve parisien abritant deux SDF inséparables au cœur à la bonne place et aux neurones qui moulinent plus de bon sens que la société qui les a rejetés.
L’intrigue se déroule dans la faille de l’essence humaine pour se muer en un cri sauvage, véritable cri d’amour. Ce cri d’amour, le roman de Frédéric Soulier le pousse jusqu’aux tréfonds de l’âme de son lecteur qui s’enfonce ainsi dans le noir le plus absolu. Le noir broyé par le grand reporter devenu papparazzo ; le noir qui émaille les pensées du narrateur-héros ; le noir lové dans le cœur de Thérèse ; le noir des bas-fonds et du fonds de la fosse où grouillent les anguilles des sentiments enchevêtrés dans la boue du marasme existentiel des damnés de Paname.
Une intrigue structurée comme une cathédrale, éclairée par la fulgurance d’évidences trop souvent oubliées et qui, nonobstant, édifient le lecteur et le guident vers une introspection initiée par la narration. Des tirades sur la politique, l’amour, la haine peuvent en être la source, mais parfois une courte maxime génère l’étincelle. « Chaque foyer privé de télévision est un sanctuaire », jette le narrateur. La balle rebondit alors dans le camp du lecteur.
Frédéric Soulier, Le Cri sauvage de l’âme, Amazon Kindle / broché