Enfin, je viens de terminer Soumission de Michel Houellebecq dont j’avais commencé la lecture au mois de décembre 2014. Vous lisez bien 2014, l’éditeur me l’ayant fait parvenir avant sa sortie officielle en janvier 2015.
A l’occasion de la publication, France Culture m’avait invitée en tant que LA spécialiste de Michel Houellebecq à venir parler de l’auteur pendant une heure. Toute une heure d’entretien rien que pour moi. C’était au mois d’octobre 2014! L’émission devait être enregistrée et mise à l’antenne en janvier 2015 pour la sortie du livre. J’avais hésité pour finalement refuser. Et cela pour plusieurs raisons. L’une d’elle est qu’après avoir écrit une trilogie sur Michel Houellebecq (Houellebecq. Sperme et sang, Michel Houellebecq revisité. L’écriture houellebecquienne, Michel Houellebecq sexuellement correct), j’estime que ce que j’ai à dire sur l’auteur a déjà été exprimé dans mes livres. La deuxième consiste en mon aversion pour les émissions enregistrées et montées après coup. La troisième, en ce cas précis, était que le journaliste me demandais pratiquement de structurer son émission car il n’avait ni lu Houellebecq ni mes livres! Et enfin, mais non la moindre, c’est que j’ai peu envie de consacrer toute une journée à l’enregistrement d’une émission dont je n’ai que faire. Oui, il me faut partir de chez moi, prendre le train après avoir rejoint la gare en voiture, traîner dans Paris, être aimable avec des gens, éviter de m’irriter aux questions d’un journaliste qui ignore mes livres et a peu lu Houellebecq, attendre pour une histoire de technologie (un micro qui fonctionne mal, un bouton qui aurait dû être poussé plus à fond, que sais-je!), rentrer tard le soir chez moi, fatiguée, bref avoir perdu mon temps pour répéter ce que j’ai déjà écrit.
Qu’ai-je à prouver? Rien. Je suis considérée comme LA spécialiste de Houellebecq ? Grand bien leur fasse! Néanmoins, j’ai précisé au journaliste que toute ces appellations sont, selon moi, surfaites! Il avait l’air surpris.
Bref, pour revenir au sujet de cet article, j’ai donc terminé Soumission. J’aurais mis plus d’une année pour le lire. Pourquoi? Parce que ce livre au début, m’a très moyennement emballée et qu’ensuite je l’avais oublié. En le commençant, je l’ai trouvé trop houellebecquien. Comme une sorte de remake. Oui, bon d’accord, c’est du Houellebecq est la pensée qui me vint après une cinquantaine de pages. De fait, je n’ai rien lu des critiques ou des articles sur le livre. Je l’ai laissé sur le piano. Je me disais que je devrais le terminer, mais impossible de m’y remettre. Puis, le temps passa. D’un seul coup, il me fallait reprendre la lecture. C’était impératif. Et je compris pourquoi après seulement une dizaine de pages. Ce n’était pas du Houellebecq. C’était du Grand Houellebecq!
Michel Houellebecq s’est absolument surpassé dans ce roman. Le cadre, les personnages, les digressions ont pris une dimension supérieure. Mais, surtout l’écriture qui accumule encore plus de noirceur, brillant plus que le jais. Une écriture fulgurante et douloureuse dont l’humour grince et aveugle le lecteur tout en lui soumettant la vérité crue d’une situation quotidienne.
Inutile ici d’entrer dans les détails. Tout le monde sait et connait le roman par tous les commentaires, même s’il ne l’a pas lu! Michel Houellebecq est l’illustration parfaite du livre de Pierre Bayard: Comment parler des livres que l’on a pas lus? Tout comme tout le monde doit avoir écrit au moins un article sur Houellebecq, tout le monde doit avoir son opinion sur ses livres sans les avoir lus.
Il faut lire le livre à l’écart des commentaires et des actualités pour en comprendre la profondeur. L’année dernière, je n’étais pas encore prête et manquait de la capacité la plus élémentaire pour apprécier ce chef d’œuvre. Je pense que maintenant c’est chose faite et je me suis délectée page après page, ligne après ligne, mot après mot. Je sais que c’est un livre que je relirais souvent pour en déceler toutes les subtilités. Merci Michel Houellebecq. Merci d’exister et de continuer à écrire.
Michel Houellebecq, Soumission, Flammarion, 7 janvier 2015
Murielle Lucie Clément, Houellebecq. Sperme et sang, L’Harmattan, 2003
Murielle Lucie Clément, Michel Houellebecq revisité. L’écriture houellebecquienne, L’Harmattan, 2007
Murielle Lucie Clément, Michel Houellebecq sexuellement correct, Editions UNIVER, 2010
Pierre Bayard, Comment parler des livres que l’on a pas lus?, Editions de Minuit, 2012