Un auteur peut avoir écrit un livre voire plusieurs. Auteur est aussi le substantif donné à celui qui commet un assassinat ou l’auteur d’un meurtre ou d’un crime. Qui écrit une lettre en sera aussi l’auteur. « L’auteur de mes jours » est employé pour « mon père » rarement pour « ma mère », peut-être pour une preuve de la paternité exprimée en mots. La maternité ne faisant jamais l’objet d’un doute, celle-ci étant évidente à la naissance. Et que l’on ne vienne pas me parler des mères porteuses : ce sont bien elles qui font voir le jour au nouvel être.
Mais revenons à notre sujet premier, celui de l’auteur et de l’écrivain. La dénomination d’auteur peut donc être attribuée dans bien des cas même dans celui où il s’agit de l’écriture de livres. Un auteur peut avoir commis un ou plusieurs livres sans différenciation. Mais, s’il suffit d’écrire des livres pour être auteur, il en va tout autrement pour être écrivain. Un auteur qui écrit dans un seul genre n’est pas encore un écrivain. Pour mériter cette appellation, il est nécessaire de connaître les genres, la syntaxe, la grammaire, les styles, les formes, l’orthographe, etc. De même, on peut très bien écrire sans une seule erreur d’orthographe sans pour cela être écrivain. On sera, dans ce cas, tout au plus, un auteur de lettres ou de livres, de contrats ou de formulaires ou d’autre chose : recette de cuisine éventuellement. Que sais-je !
Un écrivain se doit donc d’être au courant de plusieurs faits, us et coutumes littéraires. Être écrivain est une profession. Celui qui l’exerce connaît les divergences entre écriture alimentaire et écriture pour le plaisir de la littérature.
Toutefois, le terme « écrivain » bien que désignant une profession ne jouit d’aucune protection à l’inverse de celui de docteur ou chirurgien, notaire ou architecte. Se nomme écrivain qui veut à bon ou mauvais escient. Il n’existe pas d’études spéciales pour devenir écrivain ni donc de diplômes de fin d’études. Pas de CAP comme pour le mécanicien ou le menuisier. Il existe de bons mécaniciens et de moins bons. Pareil pour le menuisier, le plombier, etc. Un bon mécanicien sera celui qui répare avec succès une voiture en panne ; le bon menuisier fera, par exemple, des persiennes. Pour des meubles, on fera plutôt appel à un ébéniste. Si les persiennes ferment mal ou si les chaises sont bancales, on parlera de mauvais artisans. Tout le monde sera d’accord sur ce point, d’autant plus que les manquements seront repérables à l’œil nu et discernables par un enfant de cinq ans. Mais la définition d’un « bon écrivain » est tout aussi inexistante dans l’absolu que celle d’un « bon livre ». C’est très subjectif. On peut lire un livre parfaitement correct du point de vue de l’orthographe, de la syntaxe, de l’accord des participes passés et de la concordance de temps et qu’il soit totalement insipide avec une écriture qui ne mène pas. Voilà le grand mot est lâché ! Une écriture qui mène. Une écriture qui entraîne le lecteur. À ne pas confondre avec le suspense.
Le suspense est ce qui fait tourner la page au lecteur. Tant qu’il tourne les pages, c’est que le suspense est présent. Mais, il y a aussi du suspense quand il lit des recettes de cuisine ! Il a envie de connaître la suite, savoir comment et quand ajouter la farine au beurre. Mais, « une écriture qui mène » n’a rien à voir avec la suite. Une écriture qui mène est dans l’instant. L’écriture mène le lecteur, le fait continuer à lire sans qu’il se rende compte qu’il lit. Il a l’impression de voler au-dessus des lignes, de suivre un fil, tel un cerf-volant qui domine le paysage. L’histoire se déroule sous lui. Le nectar des mots coule telle une nappe de velours déployée sous ses yeux et le désaltère. La magie opère et le transporte en une contrée chatoyante au pays de la littérature.
Un nombre incalculable de livres ont été publiés. Des centaines, des milliers, des centaines de milliers, des millions! Tous sont loin de céder en leurs pages ce joyau rare et précieux. Il est même rare qu’ils le fassent. Nonobstant, ce sont, en règle générale, de bons livres (exception faite de quelques nanars notoires). Des livres dont on ne regrette point d’en avoir entrepris la lecture. Des livres que l’on repose avec au cœur le plaisir d’une lecture agréable. Mais ô combien incomparable avec le doux plaisir de ceux qui nous ont transportés en terre de littérature.
Un petit nombre d’écrivains réussit ce tour de magie pendant quelques pages ; un nombre encore plus restreint y parvient tout au long du livre ; un nombre infime a le pouvoir d’insuffler cette magie dans leur œuvre entière et chacun de leur livre est un sanctuaire de pureté, de travail acharné invisible. Un grand nombre de lecteurs passera à côté de ces gemmes littéraires. Heureusement un tout aussi grand nombre en verra les feux et saura rendre hommage en son cœur si ce n’est en public à l’écrivain auteur d’un tel bonheur.
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Le « Scribe accroupi ». Calcaire peint, yeux en cuivre incrusté de cristal de roche, IVe ou Ve dynastie d’Égypte, 2600-2350 av. J.-C. Provenance : Saqqara.