Que penser de cette « expérience vécue » d’Elen Brig Koridwen précédé de citations d’Alain (Celui qui attend son bonheur comme il attend le soleil ou la pluie, attendra longtemps), de Goethe (Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le) et Crébillon père (Le succès fut toujours un enfant de l’audace) – pour autant que le lecteur d’aujourd’hui à qui s’adresse cet ouvrage ait connaissance de ces écrivains du passé –, citations donc accompagnées d’une phrase nommée « Conviction personnelle de l’auteur » (… Et ne parlons pas de celui qui l’attend des pouvoirs publics). Ce qui est attendu dans cette dernière phrase est laissé au choix du lecteur. S’agit-il du bonheur d’Alain, du rêve de Goethe, du succès de Crébillon ?
Après cette débauche de name dropping (« lâcher de noms »), Elen Brig Koridwen déclare de but en blanc: « Je suis apolitique. Je détesterais avoir le moindre rôle dans ce domaine. » Voilà qui est pour le moins curieux pour qui lit la suite de ce pamphlet politique d’une rare virulence dont les attaques contre l’Etat n’a d’égal que leur naïveté. Les suggestions politiques se succèdent à un rythme effréné, mais ce qui en est de leur application est laissé dans le néant.
Ce procédé – de se dire apolitique tout en faisant de la politique le fer de lance de son ouvrage – rappelle Annie Ernaux. Cette dernière prétend dans La Honte ne pas faire de littérature et éviter de dramatiser les situations, mais l’incipit débute ainsi: « Mon père a voulu tuer ma mère un dimanche de juin, au début de l’après-midi. » S’ensuit la description d’un drame de violence conjugale pas piqué des hannetons ! De la littérature donc et du drame, c’est clair.
Dans la même veine de déclaration contradictoire d’un auteur envers ses écrits et sa position littéraire, nous pourrions également citer George Sand dans Histoire de ma vie : « J’ai toujours trouvé qu’il était de mauvaise goût non seulement de parler beaucoup de soi, mais encore de s’entretenir longtemps avec soi-même. ». Pas mal non plus comme introduction aux quelques milliers de pages autobiographiques en plusieurs volumes.
En sa manière de présenter son récit, l’auteur se révèle proche de Sand et Ernaux. Toutefois, il est difficile de savoir si la suite remplira ses promesses, car il s’agit du premier volet d’une série qui s’annonce comme le témoignage d’une femme se disant « libérale sociale ». Au temps pour l’apolitisme !
« Tout est politique » disait Sartre. En définitive, Elen Brig Koridwen ne dit pas autre chose. Et c’est probablement tant mieux !
Les lecteurs – qui ne connaissent pas encore cette auteur – pourraient commencer la rencontre avec Zone franche, un roman merveilleux ou s’ils disposent de peu de temps lire les Apéribooks™ et particulièrement Une proie sans défense, L’Homme de l’ombre ou A l’encre de sang. Ils ne seront pas déçus.
Elen Brig Koridwen, Une expérience vécue : réussir en aidant les autres: Préliminaires (S’EN SORTIR, C’EST POSSIBLE t. 1), Amazon