Je viens de lire à la suite l’un de l’autre et dans cet ordre : La Terre des morts de Jean-Christophe Grangé, Toutes blessent, la dernière tue de Karine Giebel, Sœurs de Bernard Minier et Origine de Dan Brown. Ces quatre livres ont plusieurs choses en commun.
En premier lieu, ils m’ont tous les quatre délassée et procuré un moment de détente appréciable. Peut-être que le Giebel était un peu lent, mais comme j’aime cet auteur, j’ai persévéré. Les trois autres se lisent comme un train expresse dont on ne veut pas descendre : d’une traite. Force m’est d’avouer que le temps se prête manifestement à la lecture, bien calée dans un profond fauteuil avec un bon pull over, car la température reste fraîche avec ces trombes d’eau versées du ciel.
Trois auteurs à suivre assurément
Grangé, Minier et Brown sont trois auteurs dont j’ai lu tous les ouvrages. Inutile de dire que je les apprécie fortement. Toutefois, La Terre des morts de Grangé m’a un peu surprise. D’après les commentaires et, encore plus que tout, la description de l’éditeur, je m’attendais à des scènes absolument délirantes, des trucs sensationnels, des meurtres raffinés à l’excès avec des assassins qui infligent des tortures insoutenables à leurs victimes. Au lieu de cela, j’ai été confrontée à du réchauffement de scènes déjà lues, une intrigue un peu fade. Comprenez-moi, bien, j’ai tout de même eu beaucoup de plaisir à la lecture, mais Grangé, dans cet opus est, selon moi, un peu resté en dessous de ses capacités, comme un épervier qui fondrait sur un lapin mort parce que le lièvre est trop rapide. Pour tout dire, ce n’est pas la lecture de quelques mots du registre familier ici et là qui a rattrapé la sauce pour moi. Je me souviens encore de l’émoi qui m’avait soufflée de mon siège à la lecture du Vol des cigognes, de L’Empire des loups, de Miserere. C’est vrai, on ne peut reprocher à un auteur de s’affaiblir une fois, ce serait injuste, et il faut reconnaitre à Grangé d’oser prendre des risques à chaque roman. Mais dans ce livre, j’ai trouvé l’écriture de Grangé plutôt heurtée, divaguante, courant sur les pages de ligne brisée en ligne brisée, ce qui n’était pas totalement pour me déplaire. Néanmoins, j’ai ressenti comme une sorte de non-fini. Les scènes qui auraient pu présenter un réel intérêt et provoquer le choc annoncé par l’éditeur, sont restées superficielles. Par ailleurs, aucune scène n’est réellement subsidiaire, elles fonctionnent toutes parfaitement. En se laissant aller à la lecture, l’écriture mène très bien. Seuls les mots d’un registre familiers distillés au petit bonheur la chance m’ont fait l’effet d’être là pour la galerie.
Toutes blessent…
Puis, je me suis plongée dans Toutes blessent, la dernière tue. Une écriture laborieuse, l’impression de patauger dans un marais asséché, des champs arides. La boue ne colle pas aux semelles, mais il suffirait d’une averse pour ne plus pouvoir avancer dans la gadoue. Il pleuvait des rideaux de pluie sur les arbres du jardin, peut-être ai-je été influencée par ce déluge printanier, je ne saurais le dire. Pas question pour moi d’abandonner un livre. Mais, il me prenait moins, je pouvais sans remords le poser pour aller faire autre chose. Pour moi, c’est toujours un signe. En même temps que mon respect pour l’auteur d’avoir commis un tel ouvrage se mêlait le sentiment que peut-être, je dis bien peut-être, elle avait endossé là une combinaison trop grande pour elle. En revanche, rien à dire des dialogues. Affutés comme des flèches de Navajo, les mots cinglent dans un ton juste pour chaque personnage. L’émotion des dernières pages vaut tout de même le détour. Rien que pour les derniers chapitres, je ne regrettais pas de m’être accrochée, forcée un peu, devrais-je dire. Je connais peu Karine Giebel, mais c’est un auteur à qui je donnerai encore toutes ses chances, car être capable de déclencher une telle avalanche d’émotions est un tour de force certain. Mon seul regret est que ces émotions soient si peu présentes dans le reste du livre. Mais, c’est probablement le style de Giebel. Je me souviens de Meurtre pour rédemption qui m’avait un peu procuré le même effet. Une écriture sèche, délicatement exagérée dans la description des scènes d’incarcération et des harcèlements subis par l’héroïne, osons le mot : un peu cliché. Sans, toutefois, que cela fasse obstacle à la lecture.
Structure intéressante
Un point intéressant du livres reste la structure choisie par l’auteur pour caler son intrigue. En règle générale, je suis rapidement perdue dans les flashbacks et autres joyeusetés temporelles. Mais, Giebel maîtrise cet art de l’aller-retour dans les années avec une bonne dose de mystère ce qui permet de continuer la lecture en sachant toujours la période incriminée.
L’apothéose
L’apothéose de ces quatre livres lus à la suite l’un de l’autre, ce fut Sœurs de Bernard Minier. Cet auteur a tout pour me plaire. J’ai lu sa bibliographie entière et c’est un auteur que je suis, car aussi bien Glacé, N’éteins pas la lumière, Une putain d’histoire que Nuit ou Le Cercle m’ont sincèrement comblée. Le suspense, l’intrigue, les développements et les retournements où l’on croit savoir pour se rendre compte que, hé bien non, on s’est planté. J’adore. Jamais déçue par Minier. Dans Sœurs, on retrouve Servaz et on participe au cauchemar des policiers : une affaire d’une vingtaine d’années, la première où Servaz était impliqué du côté des enquêteurs, qui ressurgit à l’occasion d’un meurtre récent. Vingt-cinq ans séparent les deux. Les personnages sont bien trempés, une des caractéristiques artistiques de Minier, et ils évoluent de façon perceptible et bien présente avec leur identité strictement définie. L’intrigue se déroule dans plusieurs lieux, sur plusieurs périodes, dans différents milieux et se déplie sous nos yeux comme des poupées russes où il en reste encore une enfouie dans la dernière lorsque l’on croit les avoir toutes découvertes. Les chapitres fusent à une rapidité vertigineuse avec une écriture précise et précieuse pour aborder des thèmes gros de malheurs et d’horreur cumulées. La thématique de l’auteur face à ses fans et leurs fantasmes forme un des nœuds narratifs de l’histoire. Des descriptions de la forêt et de la montagne à couper le souffle et un final inattendu et fabuleux. L’auteur sait, jusqu’à l’ultime page, manipuler son lecteur de façon imprévisible et une désinvolture sans précédent. Cet opus est infiniment génial et superbement intriguant.
Quatrième roman : Origine de Dan Brown
Quatrième roman de mon petit marathon personnel, Origine de Dan Brown. Un livre où s’allient le plaisir de la lecture et celui d’apprendre. Le célèbre professeur Robert Langdon devra cette fois-ci mettre sa spécialité, la symbologie, au service de la science et la résolution des questions fondamentales sur le passé et le futur de l’humanité. Futurologue et ancien élève du professeur, Edmond Kirsch a réussi le tour de force d’apporter une réponse à ces deux questions et il s’apprête à en faire la révélation au monde dans une présentation à la Steve Jobs avec force théâtralité et l’appui de l’informatique au musée Guggenheim de Bilbao dans une conférence retransmise dans le monde entier grâce à Internet. Malheureusement, on pouvait s’en douter, la conférence tourne au cauchemar et la révélation risque d’être perdue à jamais. Robert Langdon, accompagné de la magnifique Ambra Vidal, la directrice du musée, se lance dans une quête éperdue de mots de passe et d’explications de symboles pour tenter de récupérer la conférence d’Edmond Kirsch avec l’aide de son assistant personnel. Un roman bâti sur le mode des précédents, symbologie et codes secrets s’amoncellent au fil de la narration. Un professeur et une belle jeune femme. L’Eglise et ses représentants cléricaux. Bref, une composition solide bien connue qui fonctionne dans une intrigue haletante soulignée par une écriture plaisante. Un bon point pour Dan Brown, dans ce roman, tout comme dans les précédents, le lecteur apprend pas mal de choses dont il n’avait pas nécessairement idée. Un roman qui offre de bons instants de réflexion sur l’humanité.
Quatre auteurs
Ces quatre auteurs ont en commun de faire plaisir à une foultitude incalculable de lecteurs. Ils savent écrire des livres qui plaisent au plus grand nombre. Ce n’est pas donné à tout le monde. Pas toujours bien vu par les autres auteurs qui leur reprochent de faire dans la facilité, je suppose, quant à moi, que c’est surtout leur succès qui dérange. Bien au contraire, loin de m’importuner, cet état de fait me rend heureuse. Ainsi, je peux me détendre et me plonger dans des récits qui me procurent fréquemment connaissances sociétales, narratives et linguistiques. Et si on leur fait le procès de ne pas écrire de littérature et de prendre la place de grandsécrivains dans le palmarès des ventes, c’est un faux argument, car maintes personnes qui ont commencé par lire des livres grand public sont allées plus loin et ont terminé par s’intéresser à des écrivains de qualité, plus intimes dans leurs succès. Je le sais puisque je fais partie de ces lecteurs.