janvier 18, 2022 By MLC

Dressage de chiens pour les comportements souhaités

Il est très important d’enseigner à un chien son comportement lorsqu’il est jeune. S’il est certes important de jouer et de s’amuser avec votre nouveau chiot ou votre nouveau chien, il est également important d’enseigner à votre compagnon canin ce à quoi on s’attend – les comportements acceptables et ceux qui ne le sont pas.

Enseigner ces leçons tôt, alors que le chien est encore un chiot, est la meilleure garantie que ces leçons seront apprises et conservées. Les chiens apprennent rapidement et chaque interaction entre un humain et un chien apprend quelque chose au chien. Assurez-vous que vous enseignez les bonnes leçons en tant que maître du chien.

Des techniques de dressage appropriées sont importantes pour la protection du chien ainsi que pour la protection de la famille et de la communauté en général. Alors que les chiens aiment protéger les membres de la famille dans la plupart des cas, un chien mal dressé peut être dangereux et destructeur. S’assurer que votre nouvelle addition à la famille est un plaisir et pas une menace, c’est à vous, en tant que propriétaire que cela revient.

La relation entre les humains et les chiens remonte à plusieurs milliers d’années et les chiens ont été domestiqués plus longtemps que tous les autres animaux. Par conséquent, les humains et les chiens ont développé un lien qui n’est pas partagé par de nombreux autres animaux domestiques. Ce lien fort est très utile lors de la formation d’un chien.

Tous les propriétaires de chiens potentiels et les dresseurs de chiens devraient comprendre le fonctionnement de la société canine en l’absence d’humains. Il est important de comprendre la hiérarchie de la meute et d’utiliser cette hiérarchie à votre avantage lorsque vous entraînez votre chien. Tous les bêtes de groupe ont un animal de tête. Dans le cas des chiens, il s’agit du chien alpha. Tous les autres membres du groupe se tournent vers le chien alpha pour obtenir des directives et des conseils. Le chien alpha, à son tour, joue un rôle de premier plan dans la chasse, la défense contre les prédateurs, la protection du territoire et d’autres compétences vitales pour la survie. Cette disposition de la meute est ce qui a permis aux loups et aux chiens sauvages d’être de tels prédateurs, alors même que d’autres grands prédateurs ont été menacés d’extinction.

Tout cela signifie pour vous, en tant que propriétaire de chiens, que vous devez vous positionner en tant que chef de meute – le chien alpha si vous le souhaitez – afin de gagner le respect et la confiance de votre chien. Si le chien ne vous reconnaît pas comme son supérieur et son chef, vous n’irez pas très loin dans votre programme de dressage.

Le respect n’est pas quelque chose qui peut être forcé. C’est plutôt quelque chose qui est gagné grâce à l’interaction de l’homme et du chien. Au fur et à mesure que le chien apprend à vous respecter et à vous faire confiance, vous commencerez à faire de grands progrès dans votre programme de formation. Un programme de formation fondé sur le respect et la confiance mutuels a beaucoup plus de chances de réussir à long terme qu’un programme fondé sur la peur et l’intimidation.

Un chien craintif est susceptible de devenir un chien mordant à un moment donné, et c’est certainement une chose que vous ne voulez pas dans votre vie. Récompenser le chien quand il fait la bonne chose, au lieu de le punir pour avoir fait la mauvaise chose, est d’une importance vitale pour la réussite de tout programme d’entraînement.

La punition ne fait que dérouter et effrayer davantage le chien, et cela peut détruire un programme d’entraînement de plusieurs semaines, voire de plusieurs mois. Il est important de donner au chien la possibilité de faire ce qui est bien ou ce qui ne va pas, et de le récompenser lorsqu’il prend la bonne décision. Par exemple, si le chien poursuit les coureurs, demandez à un ami de courir pendant que vous tenez le chien en laisse. Si le chien tente de chasser le « joggeur », asseyez-le et recommencez. Vous ne punissez pas la mauvaise décision ; vous fournissez simplement le choix. Lorsque le chien est assis calmement à vos côtés, offrez-lui une friandise et de nombreuses louanges. Le chien va vite apprendre que la position assise est le bon choix et que poursuivre le joggeur est le mauvais choix.

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novembre 14, 2016 By MLC

De l’utilité du mensonge

pere-noelMentir est faux. Mentir est malhonnête. On ne devrait jamais mentir. Voilà une affirmation souvent entendue. Toutefois, en est-elle pour autant incontestablement vraie ? En outre, qu’est-ce le mensonge ? Si le mensonge est l’assertion sciemment contraire à la vérité, faite dans l’intention de tromper, comme l’indique Le Petit Robert, cette déclaration ne présuppose-t-elle pas une vérité puisque faite de manière contraire à cette dernière ? D’autre part, penser à une et unique vérité ne serait-ce pas croire au Père Noël ? Et dans ce cas, le Père Noël représente-t-il une contrevérité, une tromperie, une fable, une invention, une menterie, une blague, un boniment ?

Le Père Noël habite au pôle nord, et une fois par an, si nous avons été bien sages, il nous fait l’insigne honneur de nous rendre visite dans son traîneau tiré par des rennes dont le nez rouge de l’un d’eux, celui en tête de l’attelage, éclaire la route en lumignon. Mais attention, cette visite n’est nullement gratuite. En premier lieu, nous devons mériter sa venue, surtout au mois de décembre. Attendu que le bonhomme, venant par la cheminée, même dans les villas, les HLM, les pavillons et les baraques où celle-ci est absente de la construction, remplit nos souliers de nos désirs, gare à celle ou celui qui ferait par trop de bêtises, dirait trop de mensonges, de bobards ou que dire encore dans le dessein d’éviter une punition dûment méritée, auquel cas le Père Noël passerait, sans y jeter un œil ni un cadeau, ses petits souliers. Ceci n’est pas une mystification. C’est une vérité. Nous le savons tous.

Par ailleurs, dès les fêtes de fin d’année passées, force est de le noter, nous sommes menacés, non plus de l’absence du Père Noël et du vide dans nos souliers, mais de la venue du Père Fouettard ou Père Janvier. Ce dernier ayant le désavantage bien connu de disparaître en février, la préférence, donnée au Père fouettard, présent tout au long de l’année, se comprend aisément. Nous y avons tous cru avec plus ou moins de bonne volonté, plus ou moins longtemps. Certains de nous y croient encore.

            Le Père Noël n’est ni un mensonge éhonté, ni un mensonge diplomatique, ni un mensonge officieux : c’est un grossier mensonge. Pire ! Un complot national. Peut-être bien même planétaire ! Néanmoins, il n’est pas considéré comme tel, loin de là. Tout au plus est-il une belle histoire racontée aux enfants. « Aux enfants ? », interrogerez-vous. Pas uniquement, concédons-le, vu que le Père Noël est un concept. Appelons-le : le concept de la salade. Or, nous savons tous que pour réussir une bonne salade, quelle qu’elle soit, suivre une recette s’impose. Réunir les composants nécessaires, si besoin est les inventer et bien mêler. Pas de salade réussie sans panachage. « Inventer une salade, vous récrirez-vous, c’est une blague ! » Une craque plutôt ou une faille par laquelle s’engouffre la désinformation qui échappe à tout détecteur (de mensonges, cela va de soi). Observons les ingrédients. La matière première pour la réussite d’une bonne salade est la crédulité. Pour cette raison, ne sont pas seulement éligibles les enfants. Malgré tout, c’est par les enfants que l’on commence, d’où le concept du Père Noël. Il faut dire que chez les enfants, tout est fait pour rendre ce concept acceptable et toujours accepté. Voici Viviane, au mois de décembre dans les grands magasins. Elle sait d’emblée ce qu’elle voit sans jamais l’avoir vu auparavant :

 […] Elle L’avait reconnu dès qu’elle L’avait aperçu. Les lampes, les bruits, les cris, la musique, tout avait disparu. Il ne restait que Lui. La multitude des cadeaux qui l’entourait s’évanouissait devant Sa présence. Son fauteuil rutilant d’or et de pierres précieuses installé sur une estrade close de sapins décorés de mille feux, Il trônait au sommet d’une foule de petites têtes. Les yeux avides, elle Le dévorait, sans oser respirer. Grand-père lui avait remis sa lettre entre les mains et, après l’avoir déposée à terre, il l’avait gentiment poussée parmi le flot des enfants respectueux. Timidement elle avait attendu son tour, gravissant soigneusement les marches une à une. Arrivée près de Lui, les lèvres humides entrouvertes de saisissement, elle L’admirait, obnubilée par l’écarlate rehaussée de blancheur. Il s’était penché vers elle, Il murmurait des paroles qu’elle n’entendait plus et l’avait saisie par la taille. Il l’avait alors attirée sur ses genoux. Affolée et ravie tout à la fois, elle avait cherché des yeux Grand-père, sans succès tout d’abord, pour découvrir avant que la panique ne s’empare d’elle, son visage à moitié dissimulé par une branche de sapin. Alors, rassurée, elle avait tendu sa missive au Père Noël qui l’avait prise de sa main gantée. Enhardie, elle Lui avait assuré avoir été sage tout au long de l’année, omettant quelques détails sans importance et, elle L’avait invité à venir chez elle. Souriant, Il avait accepté. Un appareil à photos surgissait de la foule, un flash l’aveuglait. Emportée dans les airs, elle se retrouvait dans les bras de Grand-père. [1]

Le Père Noël reconnaissable entre tous à la première apparition tient son rôle à ravir lequel consiste uniquement à être là. Avec une telle vision, comment croire  ensuite que le Père Noël n’existe pas… Une mystification de haute envergure, relayée par quelques événements qui immanquablement auront lieu quelques jours plus tard au domicile de Viviane la confirmeront dans sa pensée au sujet du bonhomme en rouge. Nous avons pris la figure de la petite Viviane, mais tout enfant peut la remplacer pour cette démonstration. Hormis quelques détails de décors, le principe restera le même, qu’il s’agisse d’une petite fille ou d’un petit garçon. Dans le cas de jumelles ou de jumeaux, les réactions s’observeront doublées sans obligation d’effets spéculaires. C’est le matin de Noël, Vivane se lève et descend au salon :

 […] Sans faire de bruit, retenant son souffle tant l’expectative est immense, elle franchit les derniers degrés.  Les portes du salon sont glissées contre la paroi. Ses deux pieds plantés dans le mœlleux du tapis, statufiée par l’ahurissement, elle ne peut plus bouger. Là où hier encore se tenait la vitrine, se dresse un sapin bleu géant.

La touffe d’argent du pic cajole le plafond, les branches chargées de neige s’étendent jusqu’aux coins, des sphères de verre, des pommes de pin givrées, des boules en or se pressent entre les guirlandes savamment disposées. Un lapereau frappe de ses deux baguettes minuscules un tambour porté en bandoulière, des oiseaux de miroir, cramponnés aux aiguilles, pépient à qui mieux mieux, hochent leur queue tremblotante. D’un va-et-vient régulier, les chevaux d’un manège font tinter leurs clochettes, un skieur, lancé à toute allure, fait un slalom à la pointe du feuillage. Au-dessus de la crèche enfouie dans les rochers au pied de  l’arbre, une étoile clignote timide. Dans chaque mèche de cheveux d’ange, un rayonnement bariolé lui répond.

_ Il a tenu sa promesse ! Il est venu. » murmure Viviane ébahie devant les paquets enrubannés éparpillés sur la moquette. Toutes les formes, toutes les couleurs sont réunies en un amalgame joyeux de nœuds, de rosettes et de papier glacé. Un déferlement d’émotions submerge son cœur, emporte sur son passage toute trace d’éducation. Elle trépigne de bonheur. […][2]

Qui voudrait enlever à la petite Viviane ce jour féerique où apparemment le Père Noël est passé. Il a tenu promesse, n’est-ce pas le plus important ? Il n’a pas déçu la petite Viviane car certainement, tout est là dans ce mirage mirobolant : éviter la déception et croire le plus longtemps possible : lisez : faire croire. La salade, c’est comme la mayonnaise : il faut y croire pour qu’elle prenne.

La crédulité, donc, fait office de récipient. Ensuite, il n’y a plus qu’à remplir avec les éléments du choix. La sauce qui amalgamera le tout est le désir de croire au merveilleux, la naïveté aussi. De toute évidence, ces particularités peuvent se retrouver chez l’adulte. On connaît la propension de ces derniers à spéculer sur l’autre côté où tout est plus mirifique : « l’herbe est plus verte de l’autre côté de la rivière » et qui prouvera l’allégation, sinon mensongère, du moins erronée ? Et si l’herbe était plus verte de ce côté-ci de la rivière ? Pieux mensonge ? Dicté par la piété ou la pitié ? Pas nécessairement.

Tout mensonge est inspiré dans le dessein de tromper, que ce soit en bien ou en mal. Il est vrai que ceux déterminés par la bonne cause, mais est-ce une bonne cause que celle qui encourage à mentir, sont toujours pardonnés, exception faite de cas très précis, et souvent conjugaux, où la dissimulation de la vérité qui éclate au grand jour n’entraîne pas toujours automatiquement la générosité du pardon. De fait, les mensonges pardonnés, ceux de la bonne cause, sont rarement estimés comme des mensonges. Aucune infamie ne pèse sur eux. À l’opposé, ils sont plus souvent auréolés d’abnégation, de la pieuse lumière du désir de ne pas faire souffrir inutilement celle ou celui à qui ils sont destinés. Parfois, véritables conspirations d’entourage, une illusion de rétablissement est maintenue autour d’un malade incurable. Il ne viendrait pas à l’esprit d’un seul des participants de la comédie de considérer sa conduite mensongère comme un mal. Bien au contraire et cette personne doit assumer la fiction jusqu’au bout, c’est-à-dire, jusqu’à la mort. Mort, non seulement du sujet, de cette manière protégé, mais aussi de la sienne puisque, le sujet une fois trépassé, peu feront allusion à l’artifice installé du temps de ses derniers soupirs. Mensonges bénins pour adoucir ceux-ci comme la lampe derrière le rideau de la chambre à coucher de Tchekhov se mourrant sous la neige tenait lieu de soleil méditerranéen.

Pour revenir un instant au concept de la vérité : il n’existe aucune loi, ou même d’obligation morale, nous tenant de dire la vérité en tout lieu et en toute chose pas plus qu’il en existe une qui ferait que chacun soit en droit d’exiger en tout lieu et en toute chose de nous la vérité. Peut-être est-il toutefois utile de rappeler que nous devons la vérité à ceux que l’on estime, à nos pairs, nos associés, nos proches[3]. En effet, le refus de vérité inclut un certain manque d’estime, voire de respect. Que penser alors de parents, de proches, d’amis qui montent ce spectacle pour les enfants ? Peut-on en déduire qu’ils leur manquent de respect et d’estime ? Très rapidement dit : apparemment non. Si mentir est malhonnête et signe de fausseté, il existerait donc des situations où le mentir serait accepté, toléré, voire souhaitable. Il est certain que l’adulte qui oserait proclamer haut et fort la vérité, à savoir que le Père Noël n’existe pas (d’autant plus que le concept, lui, existe bel et bien et à voir le rendement commercial engrangé il a encore des jours florissants devant lui), à l’adresse des enfants serait vivement réprouvé par ses pairs de la même façon que celle ou celui qui annoncerait : « Tu vas mourir » dans une chambre mortuaire. On ne casse pas le jouet des petits ni celui des mourants. Mais, ce Père Noël est-il une contre-vérité pour cela ? Que nenni ! De plus, le bonhomme  a son utilité.

Sa présence, qui bien que fictive n’en est pas moins vraie (tout le monde l’a vu au moins une fois dans sa vie) sert à bien des choses. Au départ, les enfants, dans l’espoir de sa venue et la peur de la manquer, sont beaucoup plus sages au mois de décembre. C’est un fait établi et bien connu, conforté par les statistiques. En second lieu, la visite du Père Noël permettra aux adultes de se replonger un moment dans les délices de l’enfance, le temps où ils croyaient inconditionnellement en son existence. De plus, lorsque d’un certain âge, l’enfant découvre la supercherie, la non-existence du bonhomme annuel, il apprend la déception et à surmonter celle-ci. Simultanément l’admiration et la confiance en soi s’emparent de lui. Il est devenu grand et détenteur d’un secret que les plus petits ignorent. Avec l’apparition de cette connaissance, survient sa capacité à mentir à son tour puisque interdiction est faite de dévoiler sa science sur le sujet à ses cadets. La merveilleuse histoire du personnage fabuleux se transformera en apprentissage du mensonge. Apprentissage essentiel à l’enfant d’homme pour qui vivre en société équivaut vivre dans le mensonge. Qu’il s’agisse de mensonge par omission, de réticences, de mensonges pour se mettre en valeur, faire des blagues ou se vanter, le petit d’homme doit apprendre à reconnaître son chemin dans le tissu de mensonges qui l’entoure, communément appelé l’hypocrisie sociétale, toute vérité n’étant pas bonne à dire. Cela, il l’apprendra à ses dépens. Gare à celle ou celui qui dévoile aux plus petits l’affabulation du Père Noël. Pour autant, il devra tout autant éviter de devenir un mythomane et débiter des mensonges de façon pathologique ; comprendre que le Père Noël est un mythe sociologique fondateur auquel il serait vain et malséant de conforter quelques mensonges personnels qui seraient de l’imposture, de la duperie. Son acte de mentir deviendrait alors aux yeux des autres, de ses proches, de la famille, des parents, une pratique de l’artifice, de la fausseté. Bref, de la malhonnêteté que bien peu lui pardonneraient et comportement pour lequel il encourrait des châtiments, d’où le traumatisme originel porté en soi par chacun de nous. En effet, comment s’y reconnaître : où et quand le mentir est-il permis, voire une obligation et quand engendre-t-il d’effroyables punitions ou tout simplement une honte insupportable ?

L’histoire ne dit pas ce qu’il advint de la petite Viviane lorsque le conte du Père Noël se révéla rien de plus qu’un conte (mais un conte vécu) . On ne sait rien de sa déception, de son apprentissage. Par contre, George, un personnage de la comtesse de Ségur (1799-1874) dans Après la pluie, le beau temps[4] laisse très bien voir ce qui peut arriver à un enfant qui n’a pas surmonté le traumatisme infligé. Du moins, peut-on de la sorte interpréter son besoin irrépressible de mentir effrontément pour échapper aux punitions. Les accusations mensongères  qu’il porte envers sa cousine Geneviève, un vrai cœur en or, sont de pures calomnies. Il fait de faux récits, abuse et trompe en conséquence son père, Monsieur Dormère, qui a la faiblesse de voir en lui le plus parfait des garçons. Son cœur est aveugle et ne voit pas le caractère fallacieux des dires de Georges. Son fils n’a pas appris à délimiter la différence entre le mythe du Père Noël et ses propres déclarations et promesses mensongères. Le père n’est peut-être pas tout à fait dupe, mais il ne peut accepter le caractère trompeur de son fils. Que Georges doive sa pathologie au traumatisme occasionné par la découverte de la vérité sur le Père Noël est une spéculation. La comtesse de Ségur plante son personnage sans digresser sur les raisons de sa conduite, mais rien n’empêche de penser qu’un enfant, pour qui la frontière entre le mensonge et la vérité est de l’effet du plus flou, n’ai été enflammé par la relation avec le mensonge premier de son entourage, qui, tout en l’aimant, a trahi sa confiance et abusé de sa crédulité.

Nous distinguions précédemment que la crédulité n’est nullement l’apanage réservé à l’enfance et que peut-être « l’herbe est plus verte de ce côté-ci de la rivière ». Prenant en compte ces deux éléments, nous arrivons aux mensonges les plus grossiers de l’Histoire, ceux des régimes totalitaires vis-à-vis des leurs. En fait, les gouvernements régis par le totalitarisme pratiquent avec insistance l’allégation : « Chez nous, tout est meilleur qu’ailleurs », synonyme du « de notre côté de la rivière, l’herbe est plus verte » se reposant sur la crédulité et quelques techniques de désinformation au sujet de « l’autre côté de la rivière »[5] adressées aux autres, à ceux exclus des dits gouvernements. Bien que peut-être pas tout à fait dupes de l’ « horizon radieux », la promesse de sa proximité jumelée à celle du côté où l’herbe est la plus verte, les exclus du pouvoir avancent en chantant la propagande fondée sur un savoir hors de leur portée. Dans leur cas, « L’herbe est plus verte de l’autre côté de la rivière » et seuls les dirigeants le savent. Grande ressemblance avec la conspiration du Père Noël. Les mobiles, pour aussi différents qu’ils puissent être, mais le sont-ils vraiment, n’en obéissent pas moins à un mécanisme similaire appliqué à un degré encore plus grand où la cellule familiale, avec ses initiés et ses non-initiés, se lit à l’échelle de tout un peuple. Andreï Makine l’a clairement exprimé dans plusieurs de ses romans qui retracent l’existence de gens du commun dans l’ancienne URSS : « Et nous marchions, les jambes veloutées de poussière, à travers les chemins des champs. Toujours tout droit devant nous. Toujours vers cet horizon radieux. La moitié du pays était passementée des dentelles noires des barbelés. Clouée au sol par les miradors. Mais dans notre marche nous le croyions en train d’avancer, ce pays, avec nous vers ce but final, vers cet horizon si proche déjà[6] ». La promesse reste celle de monts et merveilles et de radiance future similaire à celle du jour de Noël, du sapin, des cadeaux. Le traumatisme encouru à la découverte de la supercherie est la même : un traumatisme inguérissable : « Tu sais, nous resterons toujours ces pionniers aux foulards rouges. Le soleil aura toujours pour nous ce petit goût de cuivre, et le ciel la sonorité des battements du tambour. On n’en guérit pas. On ne se remet pas de l’horizon lumineux qui était à quelques jours de marche. À quoi bon se mentir ? Nous ne serons jamais comme les autres, comme les gens normaux  [7] ». Croire au Père Noël contient des dangers. Sommes-nous devenus des gens normaux, nous qui y avons cru ou bien sommes-nous devenus comme les personnages de Makine et ne nous en sommes-nous jamais remis ?

« On n’est jamais si bien que chez soi » ou « De l’autre côté de la rivière, l’herbe est toujours la plus verte » et « le Père Noël existe » ou « le Père Noël n’existe pas ». De ce quartet d’oppositions, laquelle nous rapproche le plus de la vérité ? Où est la vérité ? Ou bien n’est-ce que mensonge ? Demi-vérité et demi-mensonge ? Vérité illusoire ou duperie nécessaire ? Mirage bénéfique ? C’est de croire au Père Noël que d’espérer une seule, unique et inconditionnelle réponse.

[1] Murielle Lucie Clément, Le Mythe de Noël, MLC, Amazon

[2] Murielle Lucie Clément, Le Mythe de Noël, MLC, Amazon

[3] Alexandre Koyré, Réflexions sur le mensonge, Paris, Éditions Allia, 2004, p. 15

[4] La comtesse de Ségur, Après la pluie, le beau temps (1871), Paris, Casterman, 2004

[5] pour une analyse complètes de ces techniques, voir Alexandre Koyré, op. cit.

[6] Andreï Makine, Confession d’un porte-drapeau déchu, Paris, Belfond, 1992, p. 9

[7] Ibidem, p. 13

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octobre 26, 2016 By mlc

Tristan Jordis, Crack

tristan-jordis-crackUn premier livre dont surgit à nouveau cette question jamais résolue : où s’inscrit la frontière entre fiction et reportage. Crack est un texte hybride entre enquête et récit, sociologie et littérature. Enfers artificiels.

Le soir, je fumais un joint à La Villette avec Bouba, mon seul vrai pote dans le milieu. Comme je lui confessais une vive appréhension à l’idée de me retrouver au cœur de la frénésie nocturne de la galette, il se moqua de moi.

– J’y crois pas, tu vas descendre avec Saga porte de La Chapelle, à minuit. Ha, petit Blanc, demain ils vont t’attendre, planqués à chaque coin de rue, tu vas te faire dépouiller. Je t’aimais bien, vraiment, je te trouvais sympa, c’est dommage que tu finisses comme ça.

Il est plié de rire. Je ris jaune – la peur. Confrontation avec un monde dangereux, riche en fantasmagories. Il faut y aller, pas le choix. À chercher la guerre, elle vient à votre rencontre. J’attendais cette proposition d’un guide depuis un mois. J’ai donné ma parole à Saga, plus de retour en arrière possible, l’histoire peut commencer.

A trente ans, Tristan Jordis publie Crack en 2008. Pour l’écrire, il a passé un an à sillonner l’univers des toxicomanes, dans le quartier de Porte de la Chapelle à Paris. Stalingrad a gardé sa réputation sulfureuse et les habitants de l’Est savent encore exactement où circulent les habitués du « caillou », cette drogue récente aux ravages bien plus puissants que ceux de l’héroïne. Sans oublier son propre traumatisme, il se met en scène, car se mettre en scène permet de faire ressortir la violence du milieu, les trajectoires des personnes, explique Tristan Jordis passé par la sociologie et le journalisme.

Ce trentenaire choisit le parti-pris, au contraire des travaux sociologiques, et sauve son texte de ce qui aurait pu être seulement la description d’une longue traversée du désert ou, comme il le dit lui-même, du découragement du petit Blanc isolé dans les tourments de l’Afrique parisienne. Avant de s’engager, dans ce monde dans le monde avec ses codes et ses langages, il hésite longuement, constatant que l’amitié est bannie de ces décors sordides d’une humanité en dérive où surnage tout de même parfois des instants de grâce dans une parole ou un regard. Véritable descente aux enfers où la violence cède souvent le pas à la susceptibilité dans cet univers où la mort est la plus proche voisine. L’euphorie du crack y règne à tout instant. Tu éprouves une puissance à pouvoir endurer n’importe quoi, tu ne ressens plus la douleur, la peur, la faim, la fatigue… Il n’y a plus que le contrôle décuplé de tous tes moyens, lui confient garçons et filles côtoyés dans ce cloaque invivable. Impossible d’y échapper à la tyrannie de la drogue.

Misère, précarité et solitude sont les mots d’ordre qui riment avec descentes de flics, prostitution et incarcération. Expulsion aussi car les associations ne peuvent sauvés du rejet sociétal ces êtres en détresse. Ils s’appellent Saga, Bouba, Serge, Souleymane, Lamine ou Ouna et sont prêts à tout pour obtenir quelques granulés de cette drogue puissante et rejoindre les enfers qui leur tiennent lieu de domicile fixe dans leur monde nocturne et interlope.

Jordis gagne son pari et nous aide à pénétrer le fourvoiement tragique qui intime aux jeunes et moins jeunes mal dans leur peau à chercher un refuge illusoire dans le crack, la « galette », traduit par la répétition inexorable d’un principe de plaisir décharné. Pas de chiffres, peu de dates. Il ne s’agit pas d’une analyse du crack à Paris, mais d’un livre fort à lire pour ceux qui désirent comprendre l’un des phénomènes les plus destructeurs de notre société vingtéunièmiste.

Tristan Jordis, Crack, Paris, Seuil, 2008, 350 pages, 19,90 €

Classé sous :Salon littéraire Balisé avec :Crack, fb, Tristan Jordis

octobre 25, 2016 By mlc

Vladimir Sorokine, Glace (russe)

vladimir-sorokine-glaceRoman d’une brûlante intensité malgré la glace qui l’innerve de part en part. Le marteau de glace signifie par ses coups une renaissance ou la mort sans appel. En plusieurs étapes tant historiques que spirituelles, La Glace nous entraîne vers l’aboutissement final.

Les rues de la capitale moscovite sont le théâtre d’étranges scènes. Une secte puissamment organisée y enlève des hommes et des femmes dans le dessein d’exterminer l’humanité corrompue par le sexe et la violence, et reconstituer ainsi une assemblée d’élus. Les victimes sont kidnappées, ligotées et frappées sur le sternum par un marteau de glace afin d’écouter leur cœur parler. La plupart des victimes succombent sous les coups.

Seuls les « élus » survivent, car leur cœur réveillé prononce leur nom. Accueillis par la communauté, ils sont initiés à la langue du cœur, leur quotidien radicalement bouleversé par la révélation de la lumière.

Critique féroce d’une société d’où le sacré semble avoir disparu, La Glace relate la quête désespérée où il faut frapper férocement les cœurs pour qu’il en sorte une étincelle d’humanité, oscillant entre l’option de rêve et celle de réalité.

Vladimir Sorokine, Glace, Éditions de l’Olivier, 2005, 314 pages, 22 €. Traduit du russe par Bernard Kreise. Disponible en collection Points, 7 €

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octobre 24, 2016 By mlc

Imre Kertész, Roman policier, (littérature hongroise)

imre-kertesz-roman-policierLes temps changent au Prix Nobel de littérature

– Moi ? Mais je ne fais pas dans mon froc. Sauf que, eh bien… nous allons un petit peu trop loin. Il a hoché la tête. – Oui, bien loin… Puis il a ajouté : – Mais on a du chemin à faire. –Bien sûr, bien sûr. Sauf que… comment dirais-je… bref, à vrai dire je pensais que nous étions ici au service de la loi. – Nous sommes au service du pouvoir, mon garçon, a rectifié Diaz. Je commençais à avoir mal à la tête. Etonnant que ce soit à cause de Diaz et non de Rodriguez. – Je croyais jusqu’à présent que c’était pareil. – Si on veut. Mais il ne faut pas oublier les priorités. – Quelles priorités ? Il m’a répondu, avec son sourire inimitable : – D’abord le pouvoir et ensuite seulement la loi. 

Rescapé d’Auschwitz, prix Nobel de Littérature en 2002, l’écrivain Imre Kertész a connu l’innommable du monde concentrationnaire. Dans la Hongrie communiste des années 70, il livre un récit bouleversant : Roman policier. Pour échapper à l’œil aigu de la censure, une équipe de policiers tortionnaires, la Corporation, est placée dans une dictature factice d’Amérique latine. Une fable effrayante sur l’arbitraire ignoble et monstrueux du totalitarisme.

Antonio Martens, narrateur désabusé, confie au papier un récit de violence de manière froide, cynique parfois, sans remords, dans un discours où domine le sentiment de l’inéluctable. Il sait pertinemment l’innocence des condamnés transformée en culpabilité par les efforts brutaux de ses supérieurs : l’impassible Diaz et son adjoint sadique, Rodriguez. Les suspects n’ont aucune chance de s’en sortir. Torturés à mort, ils sont fusillés au petit matin dans la cour de la prison. La violence est normative, fonctionnelle dans cette fabrique légale de la culpabilité. Tout au long de sa confession, Martens souligne son obéissance à l’autorité de supérieurs forts compétents. Il n’est qu’un subalterne et ne fait nullement pénitence, bien abrité sous le manteau de la déresponsabilisation collective.

Bien qu’ayant pressenti très tôt l’inversement imminent des rôles, cet anti-héros, ce bleu, ce sans-grade, est incapable de s’enfuir le moment venu. Le vent a tourné, les bourreaux deviennent victimes, ses chefs disparaissent ; lui demeure seul face à son exécution et à l’image des innocents qui le hante, sans toutefois prendre conscience de sa participation réelle au massacre.

La langue ciselée de Kertész, mise en scène de chairs meurtries et de destins broyés, fouaille le lecteur au plus profond de son être sous la cravache de sa conscience réveillée par ce territoire virtuel annexé par l’incompréhensible.

 

Imre Kertész, Roman policier, Actes Sud, 2006, traduit du hongrois par Natalia Zaremba-Husvai et Charles Zaremba, 117 pages, 12,90 €

Classé sous :Salon littéraire Balisé avec :fb, Imre Kertész, littérature hongroise, Roman policier

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