février 16, 2016 By mlc

Chris Simon: Lacan et la boîte de mouchoirs. L’intégrale

Lacan1Lacan et la boîte de mouchoirs de Chris Simon est un livre surprenant tant l’écriture en est ciselée. Il s’agit de littérature, la vraie, celle que l’on rencontre peut-être un peut trop rarement de nos jours parmi ces auteurs fortement médiatisés. L’auteur a, non seulement une vision, mais sait la transmettre par les termes judicieusement choisis. Des mots précis, justes, goûteux, qui répercutent et retentissent en le lecteur longtemps après le livre refermé.

Il émane une suavité du livre que seul l’amour du langage fait naître ; une apesanteur évoquant les fines dentelles aériennes de Brugge transposées en belles-lettres. La transcendance engendrée par des phrases arachnéennes emporte le lecteur dans une délectation sans pareille dans l’univers de la psychanalyse et ses aléas.

Un livre doit nous ouvrir des portes sur le monde si possible, mais encore plus des portes en nous-mêmes. Sinon à quoi bon? A quoi bon lire si ce n’est pour accéder à une connaissance accrue de notre moi et des autres ? Lacan et la boîte de mouchoirs réussit cet exploit de  divertir son lecteur tout en le menant à l’introspection nécessaire pour discerner en soi les concordances au monde extérieur.

Lacan integrPourquoi entamer une analyse longue et fastidieuse si on peut lire Lacan et la boîte de mouchoirs ! Saison après saison, les personnages initient le lecteur en déployant leurs affres et leurs bonheurs. Chacun diffère de l’autre, mais tous ont en commun de nous être semblables portraiturés avec délicatesse sous la plume de Chris Simon.

Chris Simon, Lacan et la boîte de mouchoirs, sur Amazon: http://amzn.to/1XuIYXb

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février 10, 2016 By mlc

Michel Houellebecq, Soumission, roman

SoumissionEnfin, je viens de terminer Soumission de Michel Houellebecq dont j’avais commencé la lecture au mois de décembre 2014. Vous lisez bien 2014, l’éditeur me l’ayant fait parvenir avant sa sortie officielle en janvier 2015.

A l’occasion de la publication, France Culture m’avait invitée en tant que LA spécialiste de Michel Houellebecq à venir parler de l’auteur pendant une heure. Toute une heure d’entretien rien que pour moi. C’était au mois d’octobre 2014! L’émission devait être enregistrée et mise à l’antenne en janvier 2015 pour la sortie du livre. J’avais hésité pour finalement refuser. Et cela pour plusieurs raisons. L’une d’elle est qu’après avoir écrit une trilogie sur Michel Houellebecq (Houellebecq. Sperme et sang, Michel Houellebecq revisité. L’écriture houellebecquienne, Michel Houellebecq sexuellement correct), j’estime que ce que j’ai à dire sur l’auteur a déjà été exprimé dans mes livres. La deuxième consiste en mon aversion pour les émissions enregistrées et montées après coup. La troisième, en ce cas précis, était que le journaliste me demandais pratiquement de structurer son émission car il n’avait ni lu Houellebecq ni mes livres! Et enfin, mais non la moindre, c’est que j’ai peu envie de consacrer toute une journée à l’enregistrement d’une émission dont je n’ai que faire. Oui, il me faut partir de chez moi, prendre le train après avoir rejoint la gare en voiture, traîner dans Paris, être aimable avec des gens, éviter de m’irriter aux questions d’un journaliste qui ignore mes livres et a peu lu Houellebecq, attendre pour une histoire de technologie (un micro qui fonctionne mal, un bouton qui aurait dû être poussé plus à fond, que sais-je!), rentrer tard le soir chez moi, fatiguée, bref avoir perdu mon temps pour répéter ce que j’ai déjà écrit.

sperme et sangQu’ai-je à prouver? Rien. Je suis considérée comme LA spécialiste de Houellebecq ? Grand bien leur fasse!  Néanmoins, j’ai précisé au journaliste que toute ces appellations sont, selon moi, surfaites! Il avait l’air surpris.

Bref, pour revenir au sujet de cet article, j’ai donc terminé Soumission. J’aurais mis plus d’une année pour le lire. Pourquoi? Parce que ce livre au début, m’a très moyennement emballée et qu’ensuite je l’avais oublié. En le commençant, je l’ai trouvé trop houellebecquien. Comme une sorte de remake. Oui, bon d’accord, c’est du Houellebecq est la pensée qui me vint après une cinquantaine de pages. De fait, je n’ai rien lu des critiques ou des articles sur le livre. Je l’ai laissé sur le piano. Je me disais que je devrais le terminer, mais impossible de m’y remettre. Puis, le temps passa. D’un seul coup, il me fallait reprendre la lecture. C’était impératif. Et je compris pourquoi après seulement une dizaine de pages. Ce n’était pas du Houellebecq. C’était du Grand Houellebecq!

ecriture houellebecquienneMichel Houellebecq s’est absolument surpassé dans ce roman. Le cadre, les personnages, les digressions ont pris une dimension supérieure. Mais, surtout l’écriture qui accumule encore plus de noirceur, brillant plus que le jais. Une écriture fulgurante et douloureuse dont l’humour grince et aveugle le lecteur tout en lui soumettant la vérité crue d’une situation quotidienne.

Inutile ici d’entrer dans les détails. Tout le monde sait et connait le roman par tous les commentaires, même s’il ne l’a pas lu! Michel Houellebecq est l’illustration parfaite du livre de Pierre Bayard: Comment parler des livres que l’on a pas lus? Tout comme tout le monde doit avoir écrit au moins un article sur Houellebecq, tout le monde doit avoir son opinion sur ses livres sans les avoir lus.

Houellebecq sexue correctIl faut lire le livre à l’écart des commentaires et des actualités pour en comprendre la profondeur. L’année dernière, je n’étais pas encore prête et manquait de la capacité la plus élémentaire pour apprécier ce chef d’œuvre. Je pense que maintenant c’est chose faite et je me suis délectée page après page, ligne après ligne, mot après mot. Je sais que c’est un livre que je relirais souvent pour en déceler toutes les subtilités. Merci Michel Houellebecq. Merci d’exister et de continuer à écrire.

Michel Houellebecq, Soumission, Flammarion, 7 janvier 2015

Murielle Lucie Clément, Houellebecq. Sperme et sang, L’Harmattan, 2003

Murielle Lucie Clément, Michel Houellebecq revisité. L’écriture houellebecquienne, L’Harmattan, 2007

Murielle Lucie Clément, Michel Houellebecq sexuellement correct,  Editions UNIVER, 2010

Pierre Bayard, Comment parler des livres que l’on a pas lus?, Editions de Minuit, 2012

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janvier 19, 2016 By mlc

L’Île des hommes déchus, Guillaume Audru

De façon tout à fait irrationnelle, je me méfie souvent des livres qui ont reçu un prix littéraire. Parfois, je décide d’en lire un lorsque j’hésite devant le titre ou bien le prix. L’Île des hommes déchus de Guillaume Audru m’a attirée car je suis toujours fascinée par ce que peux être la vie sur une île. C’est, après tout, une raison comme une autre de choisir de lire un livre.

Le prix du meilleur polar, Balai de la découverte, mérite bien la seconde partie du nom. Réelle découverte et un bravo pour les Editions du caïman qui osent sortir un polar hors du commun. Voilà un auteur qui écrit un polar sans avoir peur de la littérature. Un style et une forme entrelacés comme il se doit. Une intrigue à rebondissements qui prend ses racines dans un passé que le lecteur découvre petit à petit. Une focalisation polyphonique qui  donne toute la mesure de la virtuosité de l’auteur.

Tout comme chaque compositeur doit maîtriser l’art de la fugue avant de pouvoir écrire une symphonie, chaque auteur devrait maîtriser l’art d’écrire avant de se lancer dans la rédaction d’un roman, fut-il sentimental, un polar ou autre. Ces prémisses, Guillaume Audru les connaît apparemment et sait les appliquer pour le plus grand bonheur du lecteur qui peut se laisser porter par une histoire sans être assailli par des turbulences syntaxiques ou, pire, des contresens évidents.

Il semblerait que les iliens soient toujours incapables de laisser derrière eux à jamais leur île Stroma au nord de l’Ecosse. C’est le cas de Eddie et de Moira. Lui, a été policier à Inverness sur le continent. Elle, habite encore de l’autre côté de la mer où elle est inspectrice de police. Un squelette déterré lors de travaux de voirie les fera enquêter côté à côte et découvrir un passé dont ils ignoraient tout les détails même si quelques grandes lignes leur étaient connues.

L’ambiance insulaire est étouffante, les non-dits ressurgissent sans   pourtant éclairer les motifs des uns et des autres ni leurs intérêts. Le vieux père bourru, le curé accommodant qui le protège de son amitié, la mère effacée, le cousin, le frère, tout le monde se connaît sans se connaître vraiment tout engorgés qu’ils sont de leur propre personne. La vie tourne autour d’un pub où on se retrouve après le labeur à la  conserverie et une boutique de souvenirs. L’amourette de Moira et Eddie refleurira-t-elle ? Saura-t-on qui est ce squelette abandonné en terre sans sépulture ? Et quel est ce secret qui pèse sur tous ?

Un auteur à suivre assurément.

Guillaume Audru, LÎle des hommes déchus, sur Amazon

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janvier 15, 2016 By mlc

Un sac de Solène Bakowski, sinistrose assurée !

un sacUn livre assurément à ne pas lire si on est dépressif, Un sac de Solène Bakowski renferme quelques trésors qui méritent d’être découverts tout autant que le contenu du sac qui reste bien dissimulé jusqu’aux dernières pages.

Anna-Marie Caravelle n’a pas de véritable enfance. Son père se suicide avant sa naissance et sa mère devient folle à lier de chagrin. Une vieille femme, Monique Bonneuil, décide de la soustraire au monde pour la garder pour elle. Sans lien avec la réalité, la petite fille atteint dix, puis douze, puis treize ans. Le manque total d’équilibre dans sa vie si frêle la fera basculer dans le sordide et le merveilleux tour à tour. La pendule qui lui sert de refuge symbolise avec son balancier, que l’on devine dans le grand coffre de bois, toute son existence.

Solène Bakowski sculpte en courtes phrases incisives, où se mêlent plusieurs registres sans se heurter, cette lancinante descente aux enfers d’Anna-Marie par paliers successifs où parfois un bref éclat de lumière surgit pour mieux plonger la protagoniste dans l’obscurité la plus totale. Folle comme sa mère, ou peur de l’être, elle n’en règle pas moins ses comptes d’une manière radicale, sans scrupules, mais avec des souvenirs de sang versé qui la hantent. L’âge ni l’amour ne la feront pas changer de tactique, portée par une haine viscérale qui obscurcit par moment son raisonnement.

Vies d’artistes parsemées de prostitution, amours inconditionnelles, déchirements, souleries, jalousies sur un fond de « Paris s’éveille » quand il ne veille pas protégeant les déambulations bitumineuses enfiévrées des personnages taillés dans le granit de l’austérité existentielle.

Un seul bémol, la typographie aux intervalles démesurés qui oblige à tourner les pages plus que nécessaire, mais il s’agit là d’un écueil vite dépassé tant l’auteur sait emporter son lecteur dans les méandres des pensées, des espoirs et des désillusions d’Anna-Marie sans lui laisser reprendre souffle.

Solène Bakowski, Un sac, Amazon

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décembre 7, 2015 By mlc

Fallait pas l’inviter! d’Aloysius Chabossot

fallait pas inviterSi l’expression « Mourir de rire » veut encore dire quelque chose, elle s’applique assurément à l’opus d’Aloysius Chabossot, Fallait pas l’inviter! Trouver un livre plus désopilant s’avérera extrêmement difficile, c’est certain. Pas une seule page sans un éclatement de rire.

Un plan tordu au départ ne fait pas peur à celle qui le concocte, ne s’apercevant même pas de l’incongruence du dessein. Demander à un collègue, avec qui elle a eu une brève affaire, tournée court sur son initiative, de jouer le fiancé au mariage de son frère. La demoiselle ne veut plus être vue comme celle qui n’a pas réussi à se caser. Fallait oser cette idée farfelue. L’auteur l’a fait.

Tout en subtilité, avec une immense connaissance de la nature humaine, Chabossot portraiture ses personnages et il aligne l’improbabilité de façon si naturelle qu’elle en devient évidente.

La narratrice, sympathique, un peu gauche et naïve, mais tellement vraie, est familière au lecteur tant ses raisonnements, bien que très inaccoutumés, sont logiques. En dépit d’une bonne dose de perspicacité, elle se retrouve dans une situation pratiquement inextricable. Au moment où il paraît qu’elle va s’en sortir, la tuile ultime lui tombe dessus.

Un livre à ne pas mettre entre les mains de pisse-froid sans humour, mais qu’un réalisateur de cinéma pourrait bien trouver à son goût pour faire exploser le box-office. Simplement écrire le scénario et rassembler une distribution adéquate.

Aloysius Chabossot, Fallait pas l’inviter ! sur Amazon

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