novembre 8, 2015 By mlc

Exotisme disjoncté dans la banlieue parisienne

FatihaIl y a des livres qui vous marquent pour le reste de votre vie. Il y a des livres qui changent votre vie ; du moins, qui changent votre manière de regarder votre vie. Les situations, les faits restent inchangeables, seule votre façon de voir diffère. Et, il y a les livres qui sont une véritable révélation. Ceux qui vous dévoilent un monde un monde inconnu jusqu’alors ; ceux qui soulèvent un coin du voile recouvrant un mystère ; ceux qui vous obscurcissent la vue de pleurs ; ceux qui vous dilatent la rate et bien d’autres encore. Puis, il y a ceux qui vous donnent l’impression de comprendre, qui vous ouvrent les yeux. Ce peut être tendrement, en caresses douces et légères ou en vous ébahissant, vous laissant la mâchoire pendante comme après un coup de poing en pleine figure. Bref, ils vous mettent K.O. D’une façon ou d’une autre, ils sont porteurs d’exotisme.

Salammbô de Flaubert fait partie de ces livres-là. Un livre qui marque, un exotisme qui laisse des traces. Dès les premières pages, un vent profond vous fouette le visage, vous renverse l’âme et, vous savez sans faillir que le génie d’un grand homme vous assaille ; un véritable écrivain vous propulse dans la tourmente des méandres de ses circonvolutions imprévisibles. Une force douce et puissante tout à la fois vous oblige à la suivre, rivé aux lignes et, fermement vous presse de continuer la lecture.

Époustouflé par le souffle créateur, tantôt tornade dévastatrice, tantôt zéphyr léger, vous suivez le train d’enfer des chevauchées et des cavalcades, à vous glisser à la table des banquets, à prier dans les temples, à embrasser les serpents siffleurs et à estourbir vos ennemis.

Lorsque tout étourdi, vous refermez le livre, les yeux encore tournés vers ce monde devenu réel au fil des pages, vous vous apercevez que Madame Bovary n’est autre que du roman de gare, une pulpe paralittéraire, propulsée au zénith de la littérature par un accident de parcours procédural.

Salammbô, l’enchanteresse qui a réveillé votre sens du décorum et votre soif de lointain vous a quitté. Vous pouvez toujours assouvir votre désir d’exotisme, faute de mieux, en brûlant un bâtonnet d’encens ou en dépoussiérant votre brûle parfum abandonné sur une étagère.

Dans Salammbô, où le sang gicle à tombeau ouvert, la barbarie est monnaie courante ainsi que les trahisons ; les affres des combattants sont romantisés à l’extrême. Salammbô, CNN avant la lettre, transforme la guerre en divertissement. Une fresque scripturale qui a tout de la télé-réalité. Salammbô, un monde antique rétrospectivement créé par Flaubert où un père offre sa fille en mariage à un allié zélé.

Dans La Fatiha, de Jamila Aït-Abbas, nous ne sommes plus à Carthage mais au XXIème siècle ; ce n’est pas un père qui fait don de sa fille, c’est une mère. Et, il ne s’agit pas de récompense mais, pour sauver l’honneur de la parole donnée, de mariage forcé dont la victime ignore tout jusqu’au jour fatidique de la consommation. Autre grande différence : c’est une autobiographie contemporaine. Jamila, élevée en France, part en vacances en Algérie avec sa famille. Encore adolescente, sans son consentement, elle est mariée à un homme qu’elle déteste. Elle est amoureuse d’un autre. Sa mère a tout arrangé derrière son dos et l’abandonne à sa belle-famille. Le soir des noces, elle est bâillonnée, ligotée, écartelée au lit nuptial dans le noir. Les femmes, par précaution, ont dévissé l’ampoule du plafonnier. Son oncle a signé le contrat de mariage à sa place contre une poignée, une grosse poignée de dinars offerts au fonctionnaire de la mairie. Quel exotisme!

Une famille algérienne qui vit en France, donc. Aucun détail, aucune description ne nous sont épargnés. Là, le génie de l’auteur réside dans son intégrité et nous entraîne par la véracité de son histoire qui, tout autant que celle de Flaubert, fait partie de l’Histoire et au même titre, à classer dans le patrimoine exotique. Cette fois, l’exotisme disjoncté des banlieues de Paris.

Jamila Aït-Abbas, La Fatiha. Née en France, mariée de force en Algérie, Editions Michel Lafon, Paris, 2003, 19 euros

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novembre 7, 2015 By mlc

Revenons sur quelques événements oubliés

DSCN1732Lorsque au mois de mai 2002 Pim Fortuyn se fait assassiner dans le Parc des Médias à Hilversum, beaucoup de gens soupiraient : « Pourvu que ce ne soit pas un Marocain qui ait fait le coup. » Quand Théo van Gogh s’est fait brutalement tué le 2 novembre 2004, les gens se sont écrié : « Bien sûr que c’est un Marocain qui a fait le coup ! » Deux ans avaient totalement changé la donne. Que s’était-il passé depuis ? Difficile de savoir. La seule possibilité offerte est la constatation. Le maire ne s’y est pas trompé qui a lancé le soir de l’assassinat de Théo une démonstration de « colère rangée » sur la place du Dam et invité tous les citoyens à y participer. Le but : démontré sa colère en faisant le plus de bruit possible en tapant sur des casseroles, des couvercles ou des tambours. Un vacarme effroyable s’est alors élevé de la place traduisant le ras-le-bol des habitants. « Non à la violence » était le mot d’ordre.

Théo van Gogh avait une idée très précise sur le meurtre de Pym Fortuyn. Selon lui, il s’agissait d’un complot politique. Il avait des preuves. Avant de réaliser Submission, le film qui lui a valu d’être honni par la communauté musulmane, il avait déjà réuni un scénario et des acteurs pour le film qui lui tenait tellement à cœur : 06/05. Un film où il démontre que le meurtre de Pym Fortuyn n’était pas le travail d’un homme isolé mais que Den Haag (La ville où siège le gouvernement) savait que cela serait. Ni Pym Fortuyn qui voulait redonner les Pays-Bas aux Hollandais de souche et limiter l’immigration de tous les pays, ni Théo van Gogh qui traitait les musulmans de « baiseurs de chèvres » (sic) en public dans ses colonnes de la presse et à la télévision ne sont plus. Ce qu’il reste ce sont les problèmes d’une société qui applique le plus souvent la politique de l’autruche. La tolérance a conduit à l’ingérence dans plusieurs domaines. Les réfugiés en font souvent les frais.

Nous venons d’avoir un incendie dans une prison spécialement conçue qui a coûté la vie a 11 d’entre eux. Cependant, le public n’est pas tellement ému, mis à part certains activistes qui reprochent au ministre Rita Verdonk leur mort. Ici et là des banderoles sont accrochées aux fenêtres avec des textes qui ne trompent pas « Rita, alors et maintenant tu n’a toujours pas de sang sur les mains ? » ou « Personne n’est illégal ! » On aurait tiré à balles réelles sur le bureau du ministre. Quelques jours plus tard, la sécurité intérieure déclarait qu’il s’agissait d’une fausse alerte. Personne n’aurait tiré. Toutefois, entre-temps, la police avait eu le temps d’expulser les squatters du bâtiment d’où le tir fantôme serait parti.

Il n’y avait donc eu aucun tir visant le bureau de la ministre. Cependant, l’excuse avait servi et les squatters avaient disparu « aidés » en cela par les forces de l’ordre.

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novembre 6, 2015 By mlc

Justice sommaire de Jack Higgins

HigginsLe terreau des romans d’espionnage, la guerre froide entre l’Est et l’Ouest semble depuis longtemps terminée. Les amateurs se souviennent certainement du grand classique de Tom Clancy Le Cardinal du Kremlin. Les bons s’y battent contre les méchants dans une guerre des mondes où les arcanes de la connaissance des armes technologiques peuvent changer l’équilibre des forces mondiales. Une course effrénée pour la construction d’une arme à laser. CIA versus KGB. Tous les coups sont permis pour s’emparer des secrets de l’autre. Dans les plus hautes sphères du pouvoir, les taupes règnent.

Justice sommaire de Jack Higgins (pseudonyme de Harry Patterson) reprend à son compte la bataille des géants dans une intrigue légèrement parodique du genre. Les méchants ce sont les Russes, of course. Avec Poutine, bille en tête, les services d’espionnage russe, le GRU contre l’Ouest représenté par les services britanniques et le président des Etats-Unis.
Le « grand jeu » débute au Kosovo dans le village de Banu, « quelques maisons en bois de part et d’autre de la grand-rue, une poignée de bâtiments, un peu plus loin, qui ressemblaient à des corps de ferme, et une petite rivière enjambée par un pont en bois posé sur de gros blocs de granite. Il y avait aussi une construction en bois surmontée du croissant musulman, manifestement la mosquée, et enfin une auberge devant laquelle était garé un imposant blindé léger. » Blake le représentant des USA et Miller celui de la Grande-Bretagne y vont voir de plus près.

Des soldats russes ont traversé la frontière, en dépit des accords passés avec les forces internationales et se restaurent à l’auberge, ce qui en soi ne serait pas si dramatique s’ils n’avaient, de toute évidence, l’intention de commettre des exactions sauvages : « L’auberge avait toutes les caractéristiques des établissements traditionnels de la région : plafond à poutres apparentes, parquet de bois brut, quelques tables çà et là et un long comptoir derrière lequel bouteilles et verres s’alignaient sur des étagères. Une quinzaine d’hommes étaient accroupis par terre le long du comptoir, les mains derrière la nuque, tenus en joue par deux soldats russes. Un sergent se tenait derrière le comptoir ; le pistolet-mitrailleur à portée de main, il buvait au goulot d’une bouteille de vodka. Deux autres soldats étaient assis sur un banc de l’autre côté de la salle, deux femmes agenouillées devant eux. L’une d’elles sanglotait. » Au pays des barbouzes, on tire d’abord et on interroge après. Blake et Miller ne dérogent pas à cette règle d’or et éliminent les Russes, sans états d’âme, aucun.
Théoriquement, les Russes n’auraient pas dû se trouver de ce côté-ci de la frontière et leur gouvernement ne peut porter plainte sans trahir ce fait qu’ils veulent garder secret. Toutefois, les conséquences seront d’envergure car la mort engendre la mort et la vengeance. Les Anglais font appel à Sean Dillon pour résoudre cette affaire où viennent se mêler, terrorisme, trafic d’armes et assassinat. Afin que le bourgeois dorme en paix, des hommes assument les sales besognes pour en empêcher d’autres de détruire la planète : « “L’objectif du terrorisme, c’est de terroriser.” Il n’y a qu’avec le terrorisme que les petits pays peuvent s’attaquer à des pays plus grands qu’eux avec le moindre espoir de réussite. – C’est Lénine qui a dit ça le premier. Et le système a été mis en pratique, avec des conséquences douloureuses pour l’ensemble du monde, pendant de longues années. D’ailleurs ce n’est pas terminé. » Dillon, l’Irlandais, en sait quelque chose.

Héros récurrent de Jack Higgins et un peu un amalgame des héros précédents de ses romans, du moins ceux pour qui la justice ne doit pas attendre les verdicts rendus dans les cours par juges et avocats, poète et philosophe, Dillon s’interroge parfois sur l’utilité des tueries. Ainsi en est-il dans Justice sommaire au moment de passer à l’action définitive :
« Dillon avait passé Warrenpoint, scène de l’une des plus grandes défaite de l’armée britannique face à l’IRA dans toute l’histoire des Troubles. Il franchit la frontière et entra dans le comté de Louth, en République d’Irlande, au nord de Dundalk, sans le moindre problème – et sans aucun contrôle policier. Il s’arrêta quelques instants au bord de la route et repensa à cette frontière vingt ans plus tôt : la police, les soldats, les baraquements… Tout avait disparu. La frontière n’était plus qu’une ligne symbolique, marquée par un panneau au bord de la route. À quoi bon ce conflit, ces tensions, ces combats d’autrefois ? se demanda-t-il. Assis là, dans la Ford Anglia, il fut soudain la proie d’un profond sentiment de détresse. »

Tout au long du livre, le camp des Anglais triomphe en essuyant de minimes revers dans l’ensemble. Pas étonnant, les Russes sont portraiturés en idiots. Avec des noms étrangement synonymes à ceux de l’actualité récente et moins récente, ils ne connaissent même pas les leurs :
« Le Falcon se posa en douceur. Les passagers étaient prêts à débarquer lorsqu’il s’immobilisa près du petit bâtiment de l’aérodrome. Le copilote, Elstine, ouvrit la porte et baissa les marches. Volkov descendit sur le tarmac, suivi de Grigorin et Makeev qui portait les bagages. Un homme vint à leur rencontre au pas de charge avec un parapluie. La porte du Falcon se referma ; l’avion se remit aussitôt à rouler sur la piste.
– Qui êtes-vous ? demanda Volkov en anglais.
– Igor Pouchkine, Monsieur Petrovski, répondit l’homme d’un air hésitant, puis il ajouta en russe : Mais je sais qui vous êtes. Je suis le responsable du contrôle aérien de la base. Je vous ai déjà vu à Moscou, au complexe Belov.
– Un Russe, dit Volkov en souriant. J’ignorais que nous avions des Russes ici. Très négligent de ma part. Allons à l’intérieur. » Une négligence – et quelques autres – qui lui coûtera la vie.

Malgré des caractères peu dessinés et des personnages superficiels, les cinq cent vingt pages se lisent facilement et Justice sommaire reste un bon roman d’espionnage où l’auteur se joue des clichés du genre avec maestria. Jack Higgins garde la main à la plume et sait toujours entrainer son lecteur dans un parcours échevelé et rocambolesque prodigue en rebondissements.

Murielle Lucie Clément

Jack Higgins, Justice sommaire, Albin Michel, 2010, traduit de l’anglais par Pierre Reignier, 521 pages, 22,50 €

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novembre 5, 2015 By mlc

Il y a dix ans aux Pays-Bas, j’écrivais ceci

2Il semblerait que les Pays-Bas soient entrés dans une période de violence depuis longtemps disparue. Tout d’abord, ce sont les jeunes de Rotterdam qui ont brûlé des voitures en imitation aux jeunes des banlieues de France. Puis, mardi soir le 15 novembre (2010), un activiste a été tué par balles. Il s’agit de Louis Sévéke, 41 ans, qui luttait contre les fautes de la justice mais, surtout celles du bureau de renseignements néerlandais et la manière dont les informations personnelles, souvent acquises de façon non réglementaire, étaient utilisées au détriment de certaines personnes. Des témoins affirment qu’il a été tué de deux balles dans la tête et qu’il est décédé sur place suite à ses blessures. Cela ressemblerait à un règlement de comptes, à n’en pas douter.

Louis Sévéke se battait uniquement en intentant des procès tant aux forces de la police dont les performances inadéquates entraînaient le chaos et des fautes graves à l’encontre de civils qu’au service des renseignements de la sécurité intérieure.

Par ailleurs, de nombreuses menaces ont été proférées à l’adresse de la plupart des élus de la province Noord-Holland. Le maire d’Amsterdam, entre autres, ne fonctionne plus que sous la protection de la police.

Tout cela concourre à semer la panique parmi les Néerlandais dont la réputation de sobriété et de calme commence à s’effriter. Que l’on songe aux deux musulmans de retour du Ramadan qui dans le train en provenance de l’Allemagne se sont vus arrêtés par la police alors qu’ils se préparaient à la prière en faisant leurs ablutions dans les toilettes. Ils ont porté plainte contre la discrimination dont ils auraient été l’objet. En effet, leur seul crime était de porter la djellaba.

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novembre 4, 2015 By mlc

Amazon ouvre une librairie en pierres

amazonQue vont devenir l’auto-édition et l’édition traditionnelle du moment où le mastodonte américain se lance dans la librairie traditionnelle avec pour livres les meilleures ventes choisies par ses lecteurs grâce au système de commentaires par étoiles. Lorsque l’on voit que les livres qui se vendent le plus sont les collections d’œuvres érotisé sentimentales, cela donne à réfléchir.

« Ce sont des livres fantastiques ! La plupart ont été classés 4 étoiles ou plus sur notre site, et plusieurs ont remporté des récompenses » déclare Amazon dans un communiqué de presse annonçant le lancement. Selon la même source, les prix pratiqués seraient les mêmes dans la librairie physique que sur le site du géant. Pour l’instant, une seule boutique est ouverte à Seattle, mais probablement que si les ventes sont au rendez-vous d’autres ne sauraient tarder. Bientôt une boutique de livres Amazon sur les Champs Elysées?

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