mars 11, 2022 By mlc

Camille Emmanuelle et la romance érotico-sentimentale

Camille EmmanuelleAvant de se référer au contenu de l’ouvrage, on peut se concentrer sur le contenant et, principalement, sur la quatrième de couverture : le choix de l’encre et de la police est fort malheureux et rend le texte absolument illisible. Quant au contenu, on peut noter les remarques suivantes.

Premièrement, selon les exemples donnés par l’auteur, il s’agirait beaucoup plus de « romances sentimentales » que de « romances érotiques » comme stipulé dans le titre puisque toute référence au sexe ou à l’érotisme est bannie de la narration par l’éditeur. L’auteur doit se plier à une discipline de fer et subir des ratures et suppressions sans fin dans ses textes.

Deuxièmement, et peut-être est-ce la remarque la plus pertinente en l’occurrence, pourquoi l’auteur choisit-elle de conspuer le genre après en avoir largement profité pécuniairement ? Un changement de trop dans son roman dicté par l’éditeur ? Un ras-le-bol généralisé d’écrire des histoires insipides ? Un soulagement financier inopiné qui apporte la libération de se contraindre à une écriture alimentaire ? Un peu de tout cela probablement et encore plus.

Troisièmement, le lecteur peut s’interroger sur la vision de l’auteur à propos de la gent féminine. Si l’herbe est toujours plus verte de l’autre côté, on pourrait penser que pour les lectrices (le lectorat du genre est majoritairement féminin) qui ne connaissent ni les voyages en jet privé, ni les suites impériales dans des cinq étoiles ni les îles paradisiaques du Pacifique, n’est-il pas justement plaisant de s’y imaginer ? Et cela sans y être obligées. C’est tout simplement divin de se rêver un moment loin de tous les tracas quotidiens. Dans les bras d’un milliardaire ? Pourquoi pas ? C’est idéal comme catharsis, non ? Les lectrices sont loin d’être stupides. Elles savent faire la différence entre un fantasme et la réalité. Par ailleurs, que le genre soit cloisonné par des poncifs rigides, n’est-ce pas la meilleure façon de retrouver romance après romance le même patron satisfaisant ce fantasme ?

Oui, il y a un lectorat avide de connaissance et d’aventure littéraire dans ses lectures, mais ce lectorat-là se satisfait avec d’autres genres. Oui, il y a des gens qui veulent changer les rôles femme/homme, mais pas tous.

L’auteur fait l’impasse sur les lectrices faisant un choix délibéré, car pourquoi ne le serait-il pas ? On lit ce genre de romance pour s’évader, mais un peu comme on choisit au restaurant un mets connu pour éviter les mauvaises surprises. La pléthore de maisons d’éditions et d’auteurs garantit une énorme diversité dans les détails tout en respectant les éléments de base.

Chaque restaurant propose sa recette et sa spécialité. Qu’en est-il des McDo direz-vous ? Eh bien oui, c’est là toute la différence ! Quel que soit le McDo choisit, la nourriture aura toujours exactement le même goût ! En revanche, dans tous les restaurants du coin, on devra y aller au moins une fois pour les connaître. Ensuite, y retourner pour retrouver le même goût s’il a plu. Est-ce si différent avec la lecture ? Peu de gens changent à chaque fois de restaurant comme peu de gens changent de genre littéraire. Les goûts éclectiques sont beaucoup moins répandus que les habitudes. L’homme est un animal routinier. De même la lectrice.

Préférer lire le roman avec une narratrice « qui se bourre la gueule et roule des pelles à des inconnus » dans le premier bar venu après une déception amoureuse, c’est préférer lire des romans noirs. Ils existent. Mais, c’est un autre genre.

Enfin, une dernière petite chose. Un détail pas bien grand mais tout de même. Stephen King est très certainement un maître dans son genre, un auteur à succès c’est certain, mais comme référence littéraire en conseil d’écriture on peut favoriser Rilke ou Antoine Albalat.

Camille Emanuelle, Lettre à celle qui lit mes romances érotiques et qui devrait arrêter tout de suite, Amazon

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février 24, 2022 By MLC

JeF Pissard, Bob l’Amerloc (Éditions Jerkbook)

JeF Pissard a habitué ses lecteurs à un humour bon enfant aux blagues tant sur le fond que sur la forme. Dans Bob l’Amerloc, il ne déroge pas à cette règle et sert à son lecteurs des personnages hauts en couleur.
Robert Penissard, dit Bob l’Amerloc et son meilleur ami, Jean-Claude Giraudon dit Grandhi, forment un duo alerte ne manquant pas de répartie dans les situations les plus cocasses ou les séances de tarte à la crème (littéralement) pour des cérémonies officielles :

le DG et le président, top membres des « Les Pros Services Secrets », rudoyés et ridiculisés. Le Ministre témoin de cette scène. Et donc, à présent, concerné et embringué. Le préfet, pris de court par ce événements. Et qui n’a pas assuré. Les gendarmes et leur laxisme. Autant dire qu’après brassage secouage de tous ces trucs dans le shaker: ça va éructer sec et vite venir menacer de nous griller les poils du trou qui pète.

Les amis retrouvent Gérard Depardieu  dans le Centre de la France :

Wouuaahh… Le salaud, se laissent alors aller tout bas Grandji et Bob, en se lançant dans les bras de Gérard Depardieu et en s’étreignant comme des enfants. Rires; Tapes dans le dos. Pinçages de fesses. Touchage de couilles. Tout y passe comme au bon vieux temps. Et ça rit. Ça rit. Ça trinque. Ça trinque. Des mots. Et encore des mots…

Les situations les plus rocambolesques entraînent la fuite des compères dans un squat des plus crades sans aucune commodité. Qu’à cela ne tienne. A la guerre comme à la guerre:

Pour pisser, ils verront plus tard. En attendant chacun se pose sur les matelas. Bob hésite, tant c’est sale, et puis cède. Mao se met à plat dos. Jicé se met sur le côté, comme pour se trouver le moins possible en prise avec la crasse, s’appuie sur son coude et se soutient la tête. […]

Des bruits de marmaille. Des cris d’enfants. Des pas dans le couloir. Des bruits de cuisine sommaire. Des rots. Des pets. Des bruit de lavabo. Des bruits de miction (comme l’impression que ça pisse où ça peut). Des bruits de matelas. Des retournements sur les matelas. Des ronflements. Des gémissements de femmes. Des cris de femmes. Des gueulantes. Des bruits de matelas. Des râles de jouissance. De douleur aussi. Des coups. Des mots: « Salope. Salop. Enculé. »… Et puis les effluves de cuisine, de sueurs, de vents, de foutre…

Les organismes des trois lâchent prise…

Endormissement…

Description de l’éditeur:

« The spirit of San-Antonio is back ! »

Robert, dit Bob, (au centre sur la photo de couverture) se trouve pris dans une affaire de vol, à son insu. Voulant éclaircir l’affaire, il entraîne ses deux amis retraités, Grandji (à gauche) et Mao (à droite), dans de drôles d’histoires qui dégénèrent… et où sont impliqués, volontairement ou pas : un cabaret de spectacles travestis, Les Restos du Cœur, Emmaüs, un centre d’hébergement de personnes handicapées, Gérard Depardieu, le ministre Michel Sapin… et, et… peut-être des personnalités plus haut placées !?
Si les héros de cette histoire, menée tambour battant, peuvent apparaître à la lecture de ce livre comme étant réels, C’EST PARCE QU’ILS LE SONT. Voir leurs portraits sur la jaquette. Dans ce polar, il y a de l’action, jamais rien de violent à l’extrême comme on le voit trop (c’est à qui mettra le plus d’hémoglobine), il y a de la camaraderie, du suspens et de la profondeur derrière les maladresses de ces branquignols de l’enquête. Compte tenu du fond du sujet, qui se révèle au fur et à mesure de l’histoire, on peut dire que ce livre est un livre humaniste.

Voyez les protagonistes en vrai sur cette vidéo : https://www.youtube.com/watch?v=5NlfWQMaN-A&t=11s

JeF Pissard, Bob l’Amerloc, Disponible sur Amazon

Classé sous :Critique littéraire Balisé avec :humour, littérature humoristique, suspense

février 24, 2022 By MLC

Luca Tahtieazym, Ceux qui ne renonçaient pas

Luca Tahtieazym est devenu l’un des auteurs dont on attend le nouveau roman avec une certaine impatience. Avec Ceux qui ne renonçaient pas, l’auteur sait une fois de plus captiver son lecteur. Mais en plus d’une intrigue encore mieux ficelée que le rôti dominical, ce roman régale par des allitérations raciniennes. Telle:

mais le morose a rossé le rose et elle aussi a cessé d’espérer

pour exprimé le désabusé de la femme après quelque temps de mariage où la lune de miel est supplantée par le quotidien.

On s’en doute, Ceux qui ne renonçaient pas ne rigolent pas tous les jours et ils se coltinent le chagrin à pleines brouettes comme le définit si bien le héros qui faisait partie des trembleurs blèches dans sa jeunesse (une allitération dont il siéra au lecteur d’en décortiquer la signification). Blèche comme le roman éponyme de Pierre Drieu La Rochelle paru en 1928 ou blèche comme un homme mou, sans panache ?

En dépit d’une mise en garde sur la validité de ses souvenirs, à aucun moment la mémoire ne fait défaut au narrateur pour relater avec force minutie son passé et ses aléas:

Mes premiers souvenirs sont diffus. Je n’ai pas de scènes précises en tête, plutôt des flashs, des photos d’un instant fugace, une réminiscence de sentiments oubliés, mis de côté, estompés par le manque d’envie.

Mené de plume de maître, ce roman plonge le lecteur dans les circonvolutions de l’âme humaine, une spécialité dont Luca Tahtieazym s’être fait le hérault. Moins épicé que Versus, Ceux qui ne renonçaient pas ne manque tout de même pas de piquant et fera les délices des fans de l’auteur par ses réflexions sur les comportements et leurs conséquences, le pardon et la vengeance, les victimes et leurs bourreaux formant la trame serrée d’une intrigue qui emporte à la vitesse grand V.

Quatrième de couverture:

Quand le sort crache son fiel et s’acharne sur l’homme en quête de rédemption, il n’y a plus qu’une issue : fermer les yeux, prendre une grande inspiration et encaisser les coups.

Puis, le moment venu, les rendre…

Luca Tahtieazym, Ceux qui ne renonçaient pas, Amazon (version papier et Kindle)

Classé sous :Critique littéraire Balisé avec :durs à cuire, Luca Tahtieazym, roman noir, suspense, thriller

février 19, 2016 By mlc

Edouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule

Eddy BellegueuleUn récit assurément peu commun et qui a su charmer une grande partie de la gente germanopratine. Et pour cause! Cela faisait longtemps qu’un romancier était sorti de la plèbe pour monter à la lumière des médias. En outre, il mêle dans son écriture les mots les plus orduriers aux vocables les plus purs. Est-ce pour cela de la littérature?

Il va sans dire qu’un certain voyeurisme intellectuel a su profiter de ces scènes où il n’aurait jamais eu accès sans ce livre. Edouard Louis a fait montre de courage, non seulement en les écrivant, mais en osant aussi les commenter dans les médias. C’est au moins une qualité qu’il faut lui reconnaître.

Le lecteur, selon le milieu d’où il vient et celui où il évolue aura tour à tour peut-être le tournis à force de passer d’un registre à l’autre sans s’écarter bien loin du plus familier qui puisse être. Son engouement viendra peut-être aussi de sa délectation à lire ces « splendeurs et misères » d’un enfant du Nord pas tout à fait comme les autres, mais pas tout à fait différent de beaucoup.

L’incipit « De mon enfance je n’ai aucun souvenir heureux » n’est pas sans rappeler « Ma mère ne m’a jamais donné la main » de L’Asphyxie de Violette Leduc où elle relate aussi des souvenirs d’enfance. Un livre paru en 1946 chez Gallimard dans une collection dirigée par Marcel Camus.

Edouard Louis, En finir avec Eddy Bellegueule, Seuil, 2014, sur Amazon

Classé sous :Critique littéraire Balisé avec :Eddy Bellegueule, Edourad Louis, fb, Marcel Camus, registre familier, registre ordurier, Violette Leduc, voyeurisme intellectuel

février 18, 2016 By mlc

Jean-Philippe Touzeau, La Femme sans peur – Intégrale 1

femme sans peurUne rencontre peut tout changer. Jean-Philippe Touzeau le démontre dans son roman-fleuve La Femme sans peur.

Qui penserait que Trinity Silverman, une jeune femme brillante, est au dedans d’elle-même tétanisée par ses angoisses ? Cependant, Trinity peine le martyr à chaque épreuve du quotidien. Parler en public est une torture sans nom pour cette conférencière pourtant hors-pair. Un soir, elle fait la connaissance d’un chercheur qui détient la pilule magique qui la délivrera de toutes ses peurs. Selon lui, une seule de ces petites pilules blanches lui procurera aisance et légèreté et lui ôtera ses inhibitions. Trinity accepte le marché proposé et le miracle se produit! Oui, mais pour combien de temps? Qu’importe! Trinity se lance dans l’aventure qui la mènera de pays en pays, ses frayeurs oubliées avec son fidèle petit compagnon Speedy.

Une écriture simple, mais précise emporte le lecteur à la suite de la jeune femme de rebondissement en rebondissements, et lui fait découvrir tout un univers captivant où un petit escargot peut lui en remontrer au sujet de bien des choses. Mais attention, il ne s’agit ici nullement d’héliciculture. Speedy, est un animal de compagnie à l’intelligence raffinée et plein de compassion pour la gente humaine appréhendée par l’odorat.

De toute évidence, Jean-Philippe Touzeau aime rechercher les moindre détails rapporté dans chaque volume avec délices pour la plus grande joie du lecteur. Ce dernier doit croire au merveilleux pour apprécier les péripéties du petit gastéropode à coquille. Une série qui se rapproche des Fourmis de Bernard Werber et laisse le lecteur pénétrer dans un inconnu si peu éloigné du sien pour peu qu’il ose regarder où ses pas le guident.

Jean-Philippe Touzeau, La Femme sans peur – Edition Intégrale sur Amazon

Classé sous :Critique littéraire Balisé avec :Bernard Werber, fb, gastéropode, Heliciculture, Jean-Philippe Touzeau, La Femme sans peur, Les Fourmis

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