mai 1, 2022 By mlc

Versus, Luca Tahtieazym

Black gloved hand holding a bloody knife.

Avec Versus, Luca Tahtieazym réitère l’exploit dont il est coutumier : offrir à ses lecteurs un moment de lecture inoubliable. Dans L’Ombre, il érigeait le portrait d’un chauffard alcoolique s’immisçant dans la vie de l’homme qu’il avait percuté, dans Versus, il s’agit d’Achille, un commercial psychopathe qui sillonne la France en quête de ses proies.

« Je suis face à mon miroir. Dans une dizaine de minutes, je serai un autre. Je vais gommer ma classe naturelle pour revêtir l’aspect rudimentaire du primitif qu’affectionnent les policiers. Je vais cesser de surveiller mon langage et me permettre de le fleurir un brin. Je ne suis pas un acteur mais dans mon métier, on doit s’adapter à son client et corriger ses manières. C’est ce que je vais faire.

Le type en face de moi, dans le reflet, est un homme raffiné, avec quelque chose d’aristocratique dans le maintien. Il a la cinquantaine passée mais en paraît sept ou huit de moins. Dégarni, ses cheveux blancs sont coupés très courts, presque rasés ; cela masque la calvitie qui le menace. Ses joues broussailleuses se déforment lorsque les rides provoquées par son sourire un brin espiègle apparaissent. Il y a une classe, une distinction certaine qui se lisent sur les traits de son visage. Il est grand et svelte. On jurerait que c’est un sportif aguerri mais ce n’est pas le cas. Sa vie est trépidante et il se déplace volontiers mais n’a ni le temps ni la volonté de pratiquer une activité sportive régulière. Cet homme, je le connais bien. Il dissimule une part d’ombre et je mets quiconque au défi de la découvrir. Un être extraverti, cultivé, brutal : moi. »

Luca Tahtieazym confronte le lecteur aux pensées de son tueur et ce dernier en devient extrêmement sympathique. Pas de détails gores éclaboussant les pages, mais des égorgements traités avec subtilité. Le tueur s’adresse au lecteur avec une verve haute en couleur, le prend à partie et lui transmet la liste complète de ses travaux exécutés magistralement.

Ni palette ni pinceau pour lui. La seule couleur affectionnée est le vermillon carminé du sang de ses victimes. Mais attention, il ne le fait pas comme n’importe quel assassin en barbouillant les murs de leur sang. Sa technique est nettement plus raffinée, car Achille est un véritable esthète et Patrocle, son fidèle ami, un exécuteur délicat. Fervent connaisseur des grands noms de la littérature, il cite ses classiques avec autant d’aise qu’il mène grand train, profite des crus millésimés, fume des cigares de marque et dîne aux meilleures tables.

Armé d’une intelligence hors du commun, il dupe les services de police pendant des années. Toutefois, le jour où un copycat fait son apparition, son monde se fissure. La fin surprenante, dont nous ne soulèverons aucun voile, est amenée avec le brio caractéristique de l’auteur.

Sans aucun doute, Luca Tahtieazym a commis avec Versus un thriller d’exception, rejoignant ainsi les maîtres du genre.

Luca Tahtieazym, Versus, sur Amazon version Kindle et papier

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avril 30, 2022 By mlc

Elen Brig Koridwen, S’en sortir, c’est possible (t. 1)

S'en sortir 1Que penser de cette « expérience vécue » d’Elen Brig Koridwen précédé de citations d’Alain (Celui qui attend son bonheur comme il attend le soleil ou la pluie, attendra longtemps), de Goethe (Quoi que tu rêves d’entreprendre, commence-le) et Crébillon père (Le succès fut toujours un enfant de l’audace) – pour autant que le lecteur d’aujourd’hui à qui s’adresse cet ouvrage ait connaissance de ces écrivains du passé –, citations donc accompagnées d’une phrase nommée « Conviction personnelle de l’auteur » (… Et ne parlons pas de celui qui l’attend des pouvoirs publics). Ce qui est attendu dans cette dernière phrase est laissé au choix du lecteur. S’agit-il du bonheur d’Alain, du rêve de Goethe, du succès de Crébillon ?

Après cette débauche de name dropping (« lâcher de noms »), Elen Brig Koridwen déclare de but en blanc: « Je suis apolitique. Je détesterais avoir le moindre rôle dans ce domaine. » Voilà qui est pour le moins curieux pour qui lit la suite de ce pamphlet politique d’une rare virulence dont les attaques contre l’Etat n’a d’égal que leur naïveté. Les suggestions politiques se succèdent à un rythme effréné, mais ce qui en est de leur application est laissé dans le néant.

Ce procédé – de se dire apolitique tout en faisant de la politique le fer de lance de son ouvrage – rappelle Annie Ernaux. Cette dernière prétend dans La Honte ne pas faire de littérature et éviter de dramatiser les situations, mais l’incipit débute ainsi: « Mon père a voulu tuer ma mère un dimanche de juin, au début de l’après-midi. » S’ensuit la description d’un drame de violence conjugale pas piqué des hannetons ! De la littérature donc et du drame, c’est clair.

Dans la même veine de déclaration contradictoire d’un auteur envers ses écrits et sa position littéraire, nous pourrions également citer George Sand dans Histoire de ma vie : « J’ai toujours trouvé qu’il était de mauvaise goût non seulement de parler beaucoup de soi, mais encore de s’entretenir longtemps avec soi-même. ». Pas mal non plus comme introduction aux quelques milliers de pages autobiographiques en plusieurs volumes.

En sa manière de présenter son récit, l’auteur se révèle proche de Sand et Ernaux. Toutefois, il est difficile de savoir si la suite remplira ses promesses, car il s’agit du premier volet d’une série qui s’annonce comme le témoignage d’une femme se disant « libérale sociale ». Au temps pour l’apolitisme !

« Tout est politique » disait Sartre. En définitive, Elen Brig Koridwen ne dit pas autre chose. Et c’est probablement tant mieux !

Les lecteurs – qui ne connaissent pas encore cette auteur – pourraient commencer la rencontre avec Zone franche, un roman merveilleux ou s’ils disposent de peu de temps lire les Apéribooks™ et particulièrement Une proie sans défense, L’Homme de l’ombre ou A l’encre de sang. Ils ne seront pas déçus.

Elen Brig Koridwen, Une expérience vécue : réussir en aidant les autres: Préliminaires (S’EN SORTIR, C’EST POSSIBLE t. 1),  Amazon

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avril 30, 2022 By mlc

Auteurs et écrivains, quelques réflexions

ScribeUn auteur peut avoir écrit un livre voire plusieurs. Auteur est aussi le substantif donné à celui qui commet un assassinat ou l’auteur d’un meurtre ou d’un crime. Qui écrit une lettre en sera aussi l’auteur. « L’auteur de mes jours » est employé pour « mon père » rarement pour « ma mère », peut-être pour une preuve de la paternité exprimée en mots. La maternité ne faisant jamais l’objet d’un doute, celle-ci étant évidente à la naissance. Et que l’on ne vienne pas me parler des mères porteuses : ce sont bien elles qui font voir le jour au nouvel être.

Mais revenons à notre sujet premier, celui de l’auteur et de l’écrivain. La dénomination d’auteur peut donc être attribuée dans bien des cas même dans celui où il s’agit de l’écriture de livres. Un auteur peut avoir commis un ou plusieurs livres sans différenciation. Mais, s’il suffit d’écrire des livres pour être auteur, il en va tout autrement pour être écrivain. Un auteur qui écrit dans un seul genre n’est pas encore un écrivain. Pour mériter cette appellation, il est nécessaire de connaître les genres, la syntaxe, la grammaire, les styles, les formes, l’orthographe, etc. De même, on peut très bien écrire sans une seule erreur d’orthographe sans pour cela être écrivain. On sera, dans ce cas, tout au plus, un auteur de lettres ou de livres, de contrats ou de formulaires ou d’autre chose : recette de cuisine éventuellement. Que sais-je !

Un écrivain se doit donc d’être au courant de plusieurs faits, us et coutumes littéraires. Être écrivain est une profession. Celui qui l’exerce connaît les divergences entre écriture alimentaire et écriture pour le plaisir de la littérature.

Toutefois, le terme « écrivain » bien que désignant une profession ne jouit d’aucune protection à l’inverse de celui de docteur ou chirurgien, notaire ou architecte. Se nomme écrivain qui veut à bon ou mauvais escient. Il n’existe pas d’études spéciales pour devenir écrivain ni donc de diplômes de fin d’études. Pas de CAP comme pour le mécanicien ou le menuisier. Il existe de bons mécaniciens et de moins bons. Pareil pour le menuisier, le plombier, etc. Un bon mécanicien sera celui qui répare avec succès une voiture en panne ; le bon menuisier fera, par exemple, des persiennes. Pour des meubles, on fera plutôt appel à un ébéniste. Si les persiennes ferment mal ou si les chaises sont bancales, on parlera de mauvais artisans. Tout le monde sera d’accord sur ce point, d’autant plus que les manquements seront repérables à l’œil nu et discernables par un enfant de cinq ans. Mais la définition d’un « bon écrivain » est tout aussi inexistante dans l’absolu que celle d’un « bon livre ». C’est très subjectif. On peut lire un livre parfaitement correct du point de vue de l’orthographe, de la syntaxe, de l’accord des participes passés et de la concordance de temps et qu’il soit totalement insipide avec une écriture qui ne mène pas. Voilà le grand mot est lâché ! Une écriture qui mène. Une écriture qui entraîne le lecteur. À ne pas confondre avec le suspense.

Le suspense est ce qui fait tourner la page au lecteur. Tant qu’il tourne les pages, c’est que le suspense est présent. Mais, il y a aussi du suspense quand il lit des recettes de cuisine ! Il a envie de connaître la suite, savoir comment et quand ajouter la farine au beurre. Mais, « une écriture qui mène » n’a rien à voir avec la suite. Une écriture qui mène est dans l’instant. L’écriture mène le lecteur, le fait continuer à lire sans qu’il se rende compte qu’il lit. Il a l’impression de voler au-dessus des lignes, de suivre un fil, tel un cerf-volant qui domine le paysage. L’histoire se déroule sous lui. Le nectar des mots coule telle une nappe de velours déployée sous ses yeux et le désaltère. La magie opère et le transporte en une contrée chatoyante au pays de la littérature.

Un nombre incalculable de livres ont été publiés. Des centaines, des milliers, des centaines de milliers, des millions! Tous sont loin de céder en leurs pages ce joyau rare et précieux. Il est même rare qu’ils le fassent. Nonobstant, ce sont, en règle générale, de bons livres (exception faite de quelques nanars notoires). Des livres dont on ne regrette point d’en avoir entrepris la lecture. Des livres que l’on repose avec au cœur le plaisir d’une lecture agréable. Mais ô combien incomparable avec le doux plaisir de ceux qui nous ont transportés en terre de littérature.

Un petit nombre d’écrivains réussit ce tour de magie pendant quelques pages ; un nombre encore plus restreint y parvient tout au long du livre ; un nombre infime a le pouvoir d’insuffler cette magie dans leur œuvre entière et chacun de leur livre est un sanctuaire de pureté, de travail acharné invisible.  Un grand nombre de lecteurs passera à côté de ces gemmes littéraires. Heureusement un tout aussi grand nombre en verra les feux et saura rendre hommage en son cœur si ce n’est en public à l’écrivain auteur d’un tel bonheur.

© Crédits photographiques: Anonyme — Guillaume Blanchard, July 2004, Fujifilm S6900: Le « Scribe accroupi ». Calcaire peint, yeux en cuivre incrusté de cristal de roche, IVe ou Ve dynastie d’Égypte, 2600-2350 av. J.-C. Provenance : Saqqara.

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mars 18, 2022 By mlc

Frédéric Soulier, Le Cri sauvage de l’âme

cri sauvageDans une écriture mâtinée d’Alphonse Boudard et de Frédéric Dard, l’auteur fouille la psychologie de personnages dont la véracité explose en des dialogues où transparaît à certains moments une brume de réminiscence de Marcel Audiard. Des dialogues cohérents avec la consistance des personnages. Le docteur s’exprime différemment du narrateur mal aimé et autodidacte ; le copain SDF fort en gueule autrement que le papparazzo et la vedette de télévision, Mélody, d’une autre manière que la fiancée, Delphine. Coup de maître de l’auteur que de les emboucher d’un vocabulaire, inhérent à chacun, au tempo approprié où le mentir vrai devient vérité.

Frédéric Soulier signe une fiction saillie de la vie même où la télé-réalité se terre sur les berges du fleuve parisien abritant deux SDF inséparables au cœur à la bonne place et aux neurones qui moulinent plus de bon sens que la société qui les a rejetés.

L’intrigue se déroule dans la faille de l’essence humaine pour se muer en un cri sauvage, véritable cri d’amour. Ce cri d’amour, le roman de Frédéric Soulier le pousse jusqu’aux tréfonds de l’âme de son lecteur qui s’enfonce ainsi dans le noir le plus absolu. Le noir broyé par le grand reporter devenu papparazzo ; le noir qui émaille les pensées du narrateur-héros ; le noir lové dans le cœur de Thérèse ; le noir des bas-fonds et du fonds de la fosse où grouillent les anguilles des sentiments enchevêtrés dans la boue du marasme existentiel des damnés de Paname.

Une intrigue structurée comme une cathédrale, éclairée par la fulgurance d’évidences trop souvent oubliées et qui, nonobstant, édifient le lecteur et le guident vers une introspection initiée par la narration. Des tirades sur la politique, l’amour, la haine peuvent en être la source, mais parfois une courte maxime génère l’étincelle. « Chaque foyer privé de télévision est un sanctuaire », jette le narrateur. La balle rebondit alors dans le camp du lecteur.

Frédéric Soulier, Le Cri sauvage de l’âme, Amazon Kindle / broché

Classé sous :Critique littéraire Balisé avec :Alphonse Boudard, Frédéric Dard, Marcel Audiard, Paname, SDF, télé-réalité

mars 15, 2022 By mlc

Les synonymes : indispensables pour une écriture saine 2)

inouiinouï : admirable, boeuf, curieux, ébouriffant, effarant, effrayant, énorme, époustouflant, étonnant, étrange, extraordinaire, extravagant, extrême, fabuleux, fantastique, faramineux, formidable, fort, impossible, incalculable, incomparable, inconcevable, inconnu, incroyable, indescriptible, indicible, inédit, ineffable, inégalable, inentendu, inespéré, inexprimable, inimaginable, insolent, insoupçonné, inusité, invraisemblable, lunaire, merveilleux, mirobolant, monstre, monumental, neuf, nouveau, paradoxal, phénoménal, prodigieux, renversant, rocambolesque, sans précédent, sensationnel, stupéfiant, sublime, suffocant, surprenant, terrible, unique.

Classé sous :Atelier Litteraire

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