Tous les matins, les chats et les chiens sont réveillés de très bonne heure. Maintenant que c’est presque l’été et que les jours sont longs, ils se lèvent vers 5 heures du matin. Grand étirement, jappements de plaisir, course dans le champ et demande de friandises pour les chiens. Etirements prolongés et miaulements significatifs pour réclamer des croquettes pour Djiago. Que Djiago réclame toujours à manger le matin (ou souvent lorsque je vais dans la cuisine) reste tout de même surprenant étant donné que son bac ne désemplit pas, j’y veille. Mais, il aime le rituel de la boite à croquettes qui s’ouvre et moi qui lui en verse quelques-unes supplémentaires. Sans cela, pas de bons réveils le matin pour lui. Ensuite, il repart faire la grasse matinée. Prend ses aises dans un fauteuil, dédaigneux de son panier, et dort tout le reste de la journée ou presque. Pourquoi, les animaux ne se lèvent-ils pas un peu plus tard ? Cela reste pour moi une grande énigme. Si cela se passait ainsi, eh bien, au lieu de me lever à 5 heures, je ferais la grasse matinée jusqu’à au moins 7 heures et demie !
La Slovène de Cédric Charles Antoine
La Slovène de Cédric Charles Antoine est un roman que l’on prend en mains et pompe à grande vitesse sans le lâcher avant la dernière ligne. C’est souvent le cas avec les ouvrages de cet auteur qui a le don d’embarquer ses lecteurs à la suite de ses héros dans des aventures rocambolesques, mais si bien ficelées. Cette fois-ci, ce sera dans les Balkans que se fera le voyage. Un rythme soutenu et une écriture concise rendent la narration haletante dans une intrigue d’une subtilité indiscutable.
La mère de Lenz, autrichienne, fait une chute malencontreuse qui lui devient fatale. Sur son lit de mort, ses doigts se crispent sur le tableau d’un monastère en Slovénie. Lenz décide de passer la frontière et part à la conquête de son passé pour évacuer le stress du deuil.
Tout débute avec des regrets, regrets d’avoir mal connu sa mère, regrets d’abandonner un chien qui lui avait offert son amour, regrets d’avoir négliger les avertissements de personnes bien intentionnées, bref, on l’aura compris, Lenz est loin de mener une vie émotionnelle paisible. Mais tout bascule lorsqu’il fait des rencontres dignes de contes de fées dans des régions reculées de l’ex-Yougoslavie.
Très bien documenté, La Slovène reflète l’art de conteur de Cédric Charles Antoine qui sait garder jusqu’à la dernière page le suspense incontestable qui anime ce roman de bout en bout.
Cédric Charles Antoine, La Slovène, Amazon version papier et numérique, http://amzn.to/2qXtIuz
Crime à Moscou – Amour et passion
AMOUR ET PASSION DANS LE MONDE DE L’OPERA !
ENTRE suspense ET ROMAN NOIR, THRILLER ET POLAR !
Moscou maintenant.
Comment Manon a-t-elle disparue et pourquoi laisse-t-elle derrière son roman inachevé ?Qui a tué les personnes auxquelles elle s’est confiée ?
Une dangereuse mafia est à l’œuvre dans Moscou
Les agents s’interrogent. Comment lire ces papiers ?
Crime à Moscou
Le suspense est à son comble. Dans ce roman hors du commun le lecteur fait connaissance avec une foultitude de personnages :
- Une jeune femme courageuse,
- Un directeur musical sans pitié,
- Une journaliste lâchement tuée,
- Un attaché culturel d’ambassade,
- Un chirurgien sans scrupules,
- Des membres de la mafia,
- Des enquêteurs qui ne savent plus où donner de la tête,
- Un ténor narcissique,
- et l’univers spécial des chanteurs d’opéra ,
- Une belle histoire d’amour
Le geôlier vient chercher Mario Cavadorossi pour le conduire devant le peloton d’exécution. Tosca, superbe, lui intime la marche à suivre. Il devra prétendre être touché et tombé raide mort, mais les fusils sont chargés à blanc. Scarpia, le traître, n’a pas respecté le marché. Tout le monde le sait dans le public. Cavadorossi mourra sous les balles des fusils. Quand Tosca viendra pour l’emmener, il sera mort et elle se suicidera en se jetant du haut du donjon de la forteresse. Moment de drame intense. La musique emporte tout avec elle. Quand Tosca se penche sur Mario, elle pousse un cri d’horreur et s’effondre sur le corps en pleurs. Le public croit à une nouvelle mise en scène, mais Lucas et Théodore se précipitent vers le rideau qui tombe. Ce n’est pas Cavadorossi qui a été fusillé, mais Koutov que l’on vient d’assassiner.
CE QUE LES LECTEURS EN DISENT :
Des énigmes multiples avec plusieurs intrigues secondaires en font un polar hors du commun.
Des personnages ahurissants
Moscou et des villes russes comme vous ne les avez jamais vues
Un roman noir qui vous fait voyager.
CRIME A MOSCOU
http://amzn.to/2qnDbLS
Carmen, Georges Bizet, Prosper Mérimée

Dans un grand nombre d’articles de journaux, de magazines mais également dans des reportages professionnels, Carmen est souvent mentionné comme étant l’opéra français le plus connu. Est-ce bien vrai ? Cet opéra est-il représentatif de la culture française ? Quelles sont les différences entre la nouvelle de Mérimée et l’opéra de Bizet ? Quelques-uns des éléments qui fondent cette étude.
Ainsi Carmen personnifierait-elle l’Autre, insondable, dangereux, l’Ouvrier, la Femme fatale libre et menaçante pour la vie familiale, le Bandit. L’Autre, donc, qui doit être soumis sinon détruit ?
Serait-ce, dans ce cas, la raison pour laquelle José, ayant commis un meurtre avoué, aurait pu être absous en s’enrôlant dans l’armée et expier de cette façon son crime en liberté jusqu’à ce que retombe les remous du scandale déclenché par son geste, alors que Carmen, pour avoir distribué une balafre à l’une de ses collègues sera envoyée en prison ? Peut-on alors conclure que José représente l’establishment et Carmen les Autres ?
D’autre part, c’est tout autant, sinon plus, la provocation de Carmen à l’encontre de Zuniga qui la conduit linea recta en prison. Il est le commandant de son bataillon, comment pourrait-il laisser impuni le fait que Carmen le nargue devant toute la communauté ? C’est à regret qu’il prononce la sentence d’emprisonnement. Trois fois, Zuniga pose la même question à Carmen, trois fois, elle refuse de lui répondre alors qu’il aurait très certainement clos l’incident sans y attacher très grande importance. Quelques centaines de femmes ensemble dans un espace confiné, une chaleur étouffante, quelques mots vifs et les caractères s’enflamment. Pour lui, pas de quoi fouetter un chat, à plus forte raison envoyer l’une des femmes en détention. Ainsi Carmen, la personnification de l’Autre, entre-t-elle en conflit avec l’establishment représenté non pas par José mais, de toute évidence, par Zuniga.
On peut lire Carmen comme l’opposition de deux cultures : l’une dominante et l’autre dominée. Il est également irréfutable que l’on peut expliquer l’opéra politiquement en démontant un mécanisme mettant à nu les minorités opprimées ; bien entendu, il est tout aussi possible d’en extirper une lance féministe démontrant la misogynie. Toutes ces lectures sont possibles, plausibles et peut-être même sont-elles valables.
Il n’en reste pas moins vrai que c’est la musique de Carmen et la musique seule qui est connue dans le monde entier, et il est irréfragable que celle-ci transcende les idées de race, de religion, de politique, de féminisme et de machisme. Carmen la musique, la poésie, de laquelle on ne peut se passer. Il ne le sait que trop bien José qui hurle du début à la fin : « Carmen, je t’aime… Ma Carmen adorée ».
De l’utilité du mensonge
Mentir est faux. Mentir est malhonnête. On ne devrait jamais mentir. Voilà une affirmation souvent entendue. Toutefois, en est-elle pour autant incontestablement vraie ? En outre, qu’est-ce le mensonge ? Si le mensonge est l’assertion sciemment contraire à la vérité, faite dans l’intention de tromper, comme l’indique Le Petit Robert, cette déclaration ne présuppose-t-elle pas une vérité puisque faite de manière contraire à cette dernière ? D’autre part, penser à une et unique vérité ne serait-ce pas croire au Père Noël ? Et dans ce cas, le Père Noël représente-t-il une contrevérité, une tromperie, une fable, une invention, une menterie, une blague, un boniment ?
Le Père Noël habite au pôle nord, et une fois par an, si nous avons été bien sages, il nous fait l’insigne honneur de nous rendre visite dans son traîneau tiré par des rennes dont le nez rouge de l’un d’eux, celui en tête de l’attelage, éclaire la route en lumignon. Mais attention, cette visite n’est nullement gratuite. En premier lieu, nous devons mériter sa venue, surtout au mois de décembre. Attendu que le bonhomme, venant par la cheminée, même dans les villas, les HLM, les pavillons et les baraques où celle-ci est absente de la construction, remplit nos souliers de nos désirs, gare à celle ou celui qui ferait par trop de bêtises, dirait trop de mensonges, de bobards ou que dire encore dans le dessein d’éviter une punition dûment méritée, auquel cas le Père Noël passerait, sans y jeter un œil ni un cadeau, ses petits souliers. Ceci n’est pas une mystification. C’est une vérité. Nous le savons tous.
Par ailleurs, dès les fêtes de fin d’année passées, force est de le noter, nous sommes menacés, non plus de l’absence du Père Noël et du vide dans nos souliers, mais de la venue du Père Fouettard ou Père Janvier. Ce dernier ayant le désavantage bien connu de disparaître en février, la préférence, donnée au Père fouettard, présent tout au long de l’année, se comprend aisément. Nous y avons tous cru avec plus ou moins de bonne volonté, plus ou moins longtemps. Certains de nous y croient encore.
Le Père Noël n’est ni un mensonge éhonté, ni un mensonge diplomatique, ni un mensonge officieux : c’est un grossier mensonge. Pire ! Un complot national. Peut-être bien même planétaire ! Néanmoins, il n’est pas considéré comme tel, loin de là. Tout au plus est-il une belle histoire racontée aux enfants. « Aux enfants ? », interrogerez-vous. Pas uniquement, concédons-le, vu que le Père Noël est un concept. Appelons-le : le concept de la salade. Or, nous savons tous que pour réussir une bonne salade, quelle qu’elle soit, suivre une recette s’impose. Réunir les composants nécessaires, si besoin est les inventer et bien mêler. Pas de salade réussie sans panachage. « Inventer une salade, vous récrirez-vous, c’est une blague ! » Une craque plutôt ou une faille par laquelle s’engouffre la désinformation qui échappe à tout détecteur (de mensonges, cela va de soi). Observons les ingrédients. La matière première pour la réussite d’une bonne salade est la crédulité. Pour cette raison, ne sont pas seulement éligibles les enfants. Malgré tout, c’est par les enfants que l’on commence, d’où le concept du Père Noël. Il faut dire que chez les enfants, tout est fait pour rendre ce concept acceptable et toujours accepté. Voici Viviane, au mois de décembre dans les grands magasins. Elle sait d’emblée ce qu’elle voit sans jamais l’avoir vu auparavant :
[…] Elle L’avait reconnu dès qu’elle L’avait aperçu. Les lampes, les bruits, les cris, la musique, tout avait disparu. Il ne restait que Lui. La multitude des cadeaux qui l’entourait s’évanouissait devant Sa présence. Son fauteuil rutilant d’or et de pierres précieuses installé sur une estrade close de sapins décorés de mille feux, Il trônait au sommet d’une foule de petites têtes. Les yeux avides, elle Le dévorait, sans oser respirer. Grand-père lui avait remis sa lettre entre les mains et, après l’avoir déposée à terre, il l’avait gentiment poussée parmi le flot des enfants respectueux. Timidement elle avait attendu son tour, gravissant soigneusement les marches une à une. Arrivée près de Lui, les lèvres humides entrouvertes de saisissement, elle L’admirait, obnubilée par l’écarlate rehaussée de blancheur. Il s’était penché vers elle, Il murmurait des paroles qu’elle n’entendait plus et l’avait saisie par la taille. Il l’avait alors attirée sur ses genoux. Affolée et ravie tout à la fois, elle avait cherché des yeux Grand-père, sans succès tout d’abord, pour découvrir avant que la panique ne s’empare d’elle, son visage à moitié dissimulé par une branche de sapin. Alors, rassurée, elle avait tendu sa missive au Père Noël qui l’avait prise de sa main gantée. Enhardie, elle Lui avait assuré avoir été sage tout au long de l’année, omettant quelques détails sans importance et, elle L’avait invité à venir chez elle. Souriant, Il avait accepté. Un appareil à photos surgissait de la foule, un flash l’aveuglait. Emportée dans les airs, elle se retrouvait dans les bras de Grand-père. [1]
Le Père Noël reconnaissable entre tous à la première apparition tient son rôle à ravir lequel consiste uniquement à être là. Avec une telle vision, comment croire ensuite que le Père Noël n’existe pas… Une mystification de haute envergure, relayée par quelques événements qui immanquablement auront lieu quelques jours plus tard au domicile de Viviane la confirmeront dans sa pensée au sujet du bonhomme en rouge. Nous avons pris la figure de la petite Viviane, mais tout enfant peut la remplacer pour cette démonstration. Hormis quelques détails de décors, le principe restera le même, qu’il s’agisse d’une petite fille ou d’un petit garçon. Dans le cas de jumelles ou de jumeaux, les réactions s’observeront doublées sans obligation d’effets spéculaires. C’est le matin de Noël, Vivane se lève et descend au salon :
[…] Sans faire de bruit, retenant son souffle tant l’expectative est immense, elle franchit les derniers degrés. Les portes du salon sont glissées contre la paroi. Ses deux pieds plantés dans le mœlleux du tapis, statufiée par l’ahurissement, elle ne peut plus bouger. Là où hier encore se tenait la vitrine, se dresse un sapin bleu géant.
La touffe d’argent du pic cajole le plafond, les branches chargées de neige s’étendent jusqu’aux coins, des sphères de verre, des pommes de pin givrées, des boules en or se pressent entre les guirlandes savamment disposées. Un lapereau frappe de ses deux baguettes minuscules un tambour porté en bandoulière, des oiseaux de miroir, cramponnés aux aiguilles, pépient à qui mieux mieux, hochent leur queue tremblotante. D’un va-et-vient régulier, les chevaux d’un manège font tinter leurs clochettes, un skieur, lancé à toute allure, fait un slalom à la pointe du feuillage. Au-dessus de la crèche enfouie dans les rochers au pied de l’arbre, une étoile clignote timide. Dans chaque mèche de cheveux d’ange, un rayonnement bariolé lui répond.
_ Il a tenu sa promesse ! Il est venu. » murmure Viviane ébahie devant les paquets enrubannés éparpillés sur la moquette. Toutes les formes, toutes les couleurs sont réunies en un amalgame joyeux de nœuds, de rosettes et de papier glacé. Un déferlement d’émotions submerge son cœur, emporte sur son passage toute trace d’éducation. Elle trépigne de bonheur. […][2]
Qui voudrait enlever à la petite Viviane ce jour féerique où apparemment le Père Noël est passé. Il a tenu promesse, n’est-ce pas le plus important ? Il n’a pas déçu la petite Viviane car certainement, tout est là dans ce mirage mirobolant : éviter la déception et croire le plus longtemps possible : lisez : faire croire. La salade, c’est comme la mayonnaise : il faut y croire pour qu’elle prenne.
La crédulité, donc, fait office de récipient. Ensuite, il n’y a plus qu’à remplir avec les éléments du choix. La sauce qui amalgamera le tout est le désir de croire au merveilleux, la naïveté aussi. De toute évidence, ces particularités peuvent se retrouver chez l’adulte. On connaît la propension de ces derniers à spéculer sur l’autre côté où tout est plus mirifique : « l’herbe est plus verte de l’autre côté de la rivière » et qui prouvera l’allégation, sinon mensongère, du moins erronée ? Et si l’herbe était plus verte de ce côté-ci de la rivière ? Pieux mensonge ? Dicté par la piété ou la pitié ? Pas nécessairement.
Tout mensonge est inspiré dans le dessein de tromper, que ce soit en bien ou en mal. Il est vrai que ceux déterminés par la bonne cause, mais est-ce une bonne cause que celle qui encourage à mentir, sont toujours pardonnés, exception faite de cas très précis, et souvent conjugaux, où la dissimulation de la vérité qui éclate au grand jour n’entraîne pas toujours automatiquement la générosité du pardon. De fait, les mensonges pardonnés, ceux de la bonne cause, sont rarement estimés comme des mensonges. Aucune infamie ne pèse sur eux. À l’opposé, ils sont plus souvent auréolés d’abnégation, de la pieuse lumière du désir de ne pas faire souffrir inutilement celle ou celui à qui ils sont destinés. Parfois, véritables conspirations d’entourage, une illusion de rétablissement est maintenue autour d’un malade incurable. Il ne viendrait pas à l’esprit d’un seul des participants de la comédie de considérer sa conduite mensongère comme un mal. Bien au contraire et cette personne doit assumer la fiction jusqu’au bout, c’est-à-dire, jusqu’à la mort. Mort, non seulement du sujet, de cette manière protégé, mais aussi de la sienne puisque, le sujet une fois trépassé, peu feront allusion à l’artifice installé du temps de ses derniers soupirs. Mensonges bénins pour adoucir ceux-ci comme la lampe derrière le rideau de la chambre à coucher de Tchekhov se mourrant sous la neige tenait lieu de soleil méditerranéen.
Pour revenir un instant au concept de la vérité : il n’existe aucune loi, ou même d’obligation morale, nous tenant de dire la vérité en tout lieu et en toute chose pas plus qu’il en existe une qui ferait que chacun soit en droit d’exiger en tout lieu et en toute chose de nous la vérité. Peut-être est-il toutefois utile de rappeler que nous devons la vérité à ceux que l’on estime, à nos pairs, nos associés, nos proches[3]. En effet, le refus de vérité inclut un certain manque d’estime, voire de respect. Que penser alors de parents, de proches, d’amis qui montent ce spectacle pour les enfants ? Peut-on en déduire qu’ils leur manquent de respect et d’estime ? Très rapidement dit : apparemment non. Si mentir est malhonnête et signe de fausseté, il existerait donc des situations où le mentir serait accepté, toléré, voire souhaitable. Il est certain que l’adulte qui oserait proclamer haut et fort la vérité, à savoir que le Père Noël n’existe pas (d’autant plus que le concept, lui, existe bel et bien et à voir le rendement commercial engrangé il a encore des jours florissants devant lui), à l’adresse des enfants serait vivement réprouvé par ses pairs de la même façon que celle ou celui qui annoncerait : « Tu vas mourir » dans une chambre mortuaire. On ne casse pas le jouet des petits ni celui des mourants. Mais, ce Père Noël est-il une contre-vérité pour cela ? Que nenni ! De plus, le bonhomme a son utilité.
Sa présence, qui bien que fictive n’en est pas moins vraie (tout le monde l’a vu au moins une fois dans sa vie) sert à bien des choses. Au départ, les enfants, dans l’espoir de sa venue et la peur de la manquer, sont beaucoup plus sages au mois de décembre. C’est un fait établi et bien connu, conforté par les statistiques. En second lieu, la visite du Père Noël permettra aux adultes de se replonger un moment dans les délices de l’enfance, le temps où ils croyaient inconditionnellement en son existence. De plus, lorsque d’un certain âge, l’enfant découvre la supercherie, la non-existence du bonhomme annuel, il apprend la déception et à surmonter celle-ci. Simultanément l’admiration et la confiance en soi s’emparent de lui. Il est devenu grand et détenteur d’un secret que les plus petits ignorent. Avec l’apparition de cette connaissance, survient sa capacité à mentir à son tour puisque interdiction est faite de dévoiler sa science sur le sujet à ses cadets. La merveilleuse histoire du personnage fabuleux se transformera en apprentissage du mensonge. Apprentissage essentiel à l’enfant d’homme pour qui vivre en société équivaut vivre dans le mensonge. Qu’il s’agisse de mensonge par omission, de réticences, de mensonges pour se mettre en valeur, faire des blagues ou se vanter, le petit d’homme doit apprendre à reconnaître son chemin dans le tissu de mensonges qui l’entoure, communément appelé l’hypocrisie sociétale, toute vérité n’étant pas bonne à dire. Cela, il l’apprendra à ses dépens. Gare à celle ou celui qui dévoile aux plus petits l’affabulation du Père Noël. Pour autant, il devra tout autant éviter de devenir un mythomane et débiter des mensonges de façon pathologique ; comprendre que le Père Noël est un mythe sociologique fondateur auquel il serait vain et malséant de conforter quelques mensonges personnels qui seraient de l’imposture, de la duperie. Son acte de mentir deviendrait alors aux yeux des autres, de ses proches, de la famille, des parents, une pratique de l’artifice, de la fausseté. Bref, de la malhonnêteté que bien peu lui pardonneraient et comportement pour lequel il encourrait des châtiments, d’où le traumatisme originel porté en soi par chacun de nous. En effet, comment s’y reconnaître : où et quand le mentir est-il permis, voire une obligation et quand engendre-t-il d’effroyables punitions ou tout simplement une honte insupportable ?
L’histoire ne dit pas ce qu’il advint de la petite Viviane lorsque le conte du Père Noël se révéla rien de plus qu’un conte (mais un conte vécu) . On ne sait rien de sa déception, de son apprentissage. Par contre, George, un personnage de la comtesse de Ségur (1799-1874) dans Après la pluie, le beau temps[4] laisse très bien voir ce qui peut arriver à un enfant qui n’a pas surmonté le traumatisme infligé. Du moins, peut-on de la sorte interpréter son besoin irrépressible de mentir effrontément pour échapper aux punitions. Les accusations mensongères qu’il porte envers sa cousine Geneviève, un vrai cœur en or, sont de pures calomnies. Il fait de faux récits, abuse et trompe en conséquence son père, Monsieur Dormère, qui a la faiblesse de voir en lui le plus parfait des garçons. Son cœur est aveugle et ne voit pas le caractère fallacieux des dires de Georges. Son fils n’a pas appris à délimiter la différence entre le mythe du Père Noël et ses propres déclarations et promesses mensongères. Le père n’est peut-être pas tout à fait dupe, mais il ne peut accepter le caractère trompeur de son fils. Que Georges doive sa pathologie au traumatisme occasionné par la découverte de la vérité sur le Père Noël est une spéculation. La comtesse de Ségur plante son personnage sans digresser sur les raisons de sa conduite, mais rien n’empêche de penser qu’un enfant, pour qui la frontière entre le mensonge et la vérité est de l’effet du plus flou, n’ai été enflammé par la relation avec le mensonge premier de son entourage, qui, tout en l’aimant, a trahi sa confiance et abusé de sa crédulité.
Nous distinguions précédemment que la crédulité n’est nullement l’apanage réservé à l’enfance et que peut-être « l’herbe est plus verte de ce côté-ci de la rivière ». Prenant en compte ces deux éléments, nous arrivons aux mensonges les plus grossiers de l’Histoire, ceux des régimes totalitaires vis-à-vis des leurs. En fait, les gouvernements régis par le totalitarisme pratiquent avec insistance l’allégation : « Chez nous, tout est meilleur qu’ailleurs », synonyme du « de notre côté de la rivière, l’herbe est plus verte » se reposant sur la crédulité et quelques techniques de désinformation au sujet de « l’autre côté de la rivière »[5] adressées aux autres, à ceux exclus des dits gouvernements. Bien que peut-être pas tout à fait dupes de l’ « horizon radieux », la promesse de sa proximité jumelée à celle du côté où l’herbe est la plus verte, les exclus du pouvoir avancent en chantant la propagande fondée sur un savoir hors de leur portée. Dans leur cas, « L’herbe est plus verte de l’autre côté de la rivière » et seuls les dirigeants le savent. Grande ressemblance avec la conspiration du Père Noël. Les mobiles, pour aussi différents qu’ils puissent être, mais le sont-ils vraiment, n’en obéissent pas moins à un mécanisme similaire appliqué à un degré encore plus grand où la cellule familiale, avec ses initiés et ses non-initiés, se lit à l’échelle de tout un peuple. Andreï Makine l’a clairement exprimé dans plusieurs de ses romans qui retracent l’existence de gens du commun dans l’ancienne URSS : « Et nous marchions, les jambes veloutées de poussière, à travers les chemins des champs. Toujours tout droit devant nous. Toujours vers cet horizon radieux. La moitié du pays était passementée des dentelles noires des barbelés. Clouée au sol par les miradors. Mais dans notre marche nous le croyions en train d’avancer, ce pays, avec nous vers ce but final, vers cet horizon si proche déjà[6] ». La promesse reste celle de monts et merveilles et de radiance future similaire à celle du jour de Noël, du sapin, des cadeaux. Le traumatisme encouru à la découverte de la supercherie est la même : un traumatisme inguérissable : « Tu sais, nous resterons toujours ces pionniers aux foulards rouges. Le soleil aura toujours pour nous ce petit goût de cuivre, et le ciel la sonorité des battements du tambour. On n’en guérit pas. On ne se remet pas de l’horizon lumineux qui était à quelques jours de marche. À quoi bon se mentir ? Nous ne serons jamais comme les autres, comme les gens normaux [7] ». Croire au Père Noël contient des dangers. Sommes-nous devenus des gens normaux, nous qui y avons cru ou bien sommes-nous devenus comme les personnages de Makine et ne nous en sommes-nous jamais remis ?
« On n’est jamais si bien que chez soi » ou « De l’autre côté de la rivière, l’herbe est toujours la plus verte » et « le Père Noël existe » ou « le Père Noël n’existe pas ». De ce quartet d’oppositions, laquelle nous rapproche le plus de la vérité ? Où est la vérité ? Ou bien n’est-ce que mensonge ? Demi-vérité et demi-mensonge ? Vérité illusoire ou duperie nécessaire ? Mirage bénéfique ? C’est de croire au Père Noël que d’espérer une seule, unique et inconditionnelle réponse.
[1] Murielle Lucie Clément, Le Mythe de Noël, MLC, Amazon
[2] Murielle Lucie Clément, Le Mythe de Noël, MLC, Amazon
[3] Alexandre Koyré, Réflexions sur le mensonge, Paris, Éditions Allia, 2004, p. 15
[4] La comtesse de Ségur, Après la pluie, le beau temps (1871), Paris, Casterman, 2004
[5] pour une analyse complètes de ces techniques, voir Alexandre Koyré, op. cit.
[6] Andreï Makine, Confession d’un porte-drapeau déchu, Paris, Belfond, 1992, p. 9
[7] Ibidem, p. 13